Pour acheter deux moutons, Maha Amer, 45 ans, avait besoin de 300 euros (412$). Carole Younès a décidé de soutenir cette microentreprise du Proche-Orient. Depuis des années, elle consacre 2,5% de son budget à la philanthropie. «Avant je le donnais, mais le concept de babyloan.org m'a séduite.

On choisit son projet, on a des retours d'information sur l'utilisation des fonds et sur l'impact social.» Premier site européen de microcrédits solidaires, qui a vocation à réduire la précarité voire la pauvreté dans le monde, babyloan.org est une plateforme de crowdfounding (financement par les particuliers) de microentreprises en France et à l'international. L'internaute prête au minimum 20 euros (27$) à taux zéro. Les fonds sont versés à un institut de microfinance qui accompagne le projet et en assume les risques financiers. Née en 2008, sur le modèle de l'américain Kiva, numéro un mondial de microcrédits entre particuliers, babyloan.org est déjà n°2.

«Le prêt solidaire n'est pas de l'épargne, mais une nouvelle forme de philanthropie, explique son fondateur Arnaud Poissonnier. Son intérêt réside dans l'effet de levier qui permet avec même une toute petite somme d'investir dans deux, trois ou quatre projets successifs, voire plus.»

Aujourd'hui, la «babyloanienne» Carole Younès, également directrice financière, en est à son 35e financement de projet dans l'agriculture et le commerce pour «développer de nouvelles sources de revenus». Après Maha, il y a eu Suhair, 39 ans, 6 enfants, qui cherchait 270 euros (371$) pour son exploitation d'agrumes, puis Toffaha, 61 ans, qui voulait 270 euros pour agrandir son épicerie.

«Chaque mois, je choisis un projet. L'échéance du prêt est de 4 à 18 mois. Quand je suis remboursée, je réinvestis», témoigne Carole Younès. Comme elle, 70% des internautes réengagent les sommes restituées. À Babyloan, un prêt est accordé toutes les 10 minutes. Seuls 9,5% des prêteurs sortent leurs fonds du système. «Pour le reste, l'argent dort», précise M. Poissonnier.

En cinq ans, Babyloan a collecté 5,7 millions d'euros (7,8 millionsde dollars) et parrainé 13 750 microentreprises dans 14 pays, majoritairement dans les pays du Sud (85%) et 15% en France. L'apport du crowdfounding permet de réduire les taux d'intérêt IMF (Institutions de microfinance), qui restent toutefois entre 9% et 28% par an. Le montant moyen des financements est de 450 euros (618$) pour un projet du Sud et de 3000 euros (4117$) pour une entreprise du Nord. C'est le cas en France, à Saint-Ouen, de Pierre Battelier, qui a pu, grâce à un prêt de 3000 euros, acheter le matériel pour sa coopérative «les petits cinéastes» qui organise des ateliers de découverte des métiers de l'audiovisuel.

Mais «le rêve de la finance participative peut vite se transformer en cauchemar pour l'internaute», met en garde Arnaud Poissonnier. Cet ancien banquier, qui est tout sauf naïf, rappelle que sur les 800 plateformes créées dans le monde, il s'est déjà trouvé des indélicats qui sont partis avec la caisse ou qui n'ont pas placé l'argent dans le projet retenu. De plus, «si l'institut de microfinance fait faillite, l'argent ne peut pas être récupéré», un vrai risque dont les internautes sont informés sur le site. Depuis 2008, ils sont malgré tout 25 000 «Babyloaniens» à avoir tenté l'aventure.