Novembre 1998. Maurice Boucher sort du palais de justice de Montréal, porté en triomphe bruyamment par quelques motards. Le chef guerrier des Hells Angels vient d'être acquitté par un jury du meurtre de deux gardiens de prison. L'atmosphère est glauque au palais de justice. La guerre des motards a fait plus de 150 morts. Les Hells s'attaquent aux symboles du système judiciaire. Ils venaient même jouer des bras dans la salle d'audience, comme pour intimider le jury. Plusieurs procureurs sont découragés. Mais France Charbonneau contre-attaque.

C'est elle qui convainc la Cour d'appel d'ordonner un nouveau procès. Et c'est elle qui obtient la condamnation de Boucher en 2002. Elle n'avait pas la réputation d'être la plus subtile juriste au bureau des procureurs. Mais dans la quinzaine d'années qu'elle a passées à plaider des affaires de meurtre aux assises, elle en a été un des piliers.

Il fallait, pour présider la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, quelqu'un qui ne se laisse pas impressionner par le crime organisé, ni par une tâche qui peut paraître insurmontable. France Charbonneau, nommée juge à la Cour supérieure en 2004, remplissait parfaitement ces critères. En plus d'une saine capacité d'indignation qui, si elle menace de lui faire perdre sa sérénité de magistrat-commissaire de temps en temps, n'est pas inutile pour présider et incarner cette commission d'enquête historique qui touche au coeur de notre démocratie.