De jeunes actifs logeant en toute légalité dans des bureaux désaffectés: cette formule originale permet aux propriétaires immobiliers d'éviter réquisitions, squatteurs ou vandalisme, et à de jeunes Européens d'échapper à la cherté des loyers.

«Ma mère est paniquée, mais mes collègues trouvent que c'est un super plan»: pour 200 euros par mois (300$ environ), Alexis, 23 ans, loge dans un immeuble de bureaux vacants de la région parisienne.

L'immeuble de 10 000 m2 à Argenteuil, dont une grande partie d'entrepôts, était vide depuis plusieurs mois quand le propriétaire a décidé de le confier à la société Camelot. Objectif: assurer une présence sécurisante, le temps de trouver une entreprise prête à le louer.

En effet, le gouvernement socialiste français a lancé des procédures pour saisir des bâtiments vacants appartenant à des entreprises, banques ou assurances pour y loger des sans-abri. De leur côté des associations organisent régulièrement l'occupation d'immeubles vacants par des mal-logés.

«Le parking de cet immeuble avait été occupé par des gens du voyage, qui avaient été expulsés trois fois», explique le gestionnaire de l'immeuble, qui souhaite rester anonyme. Le calcul a été vite fait: «le gardiennage coûte 15 000 par mois (23 000$ environ), avec Camelot, ça nous coûte 1000 euros par mois (1500$ environ)».

Alexis Delisse souhaitait se rapprocher de son lieu de travail mais «n'avait pas un budget énorme» au regard des loyers élevés de la région parisienne: «J'en ai entendu parler par un collègue et j'ai regardé sur internet. J'ai trouvé ça super marrant, "exotique"».

Le concept est encore peu connu en France, où il n'a été importé qu'en 2011 mais il a fait ses preuves aux Pays-Bas, son pays d'origine. Là-bas, «plus de 50 000 personnes vivent sur ce modèle», explique Olivier Berbudeau, directeur du développement en France. La formule s'est déjà étendue au Royaume-Uni, à l'Irlande et la Belgique.

Monastères ou abbayes en Irlande, casernes en Angleterre, parc d'attractions aux Pays-Bas, les «résidents temporaires» trouvent parfois des endroits insolites où poser leurs sacs.

«Moi dans mon appartement, j'ai un coffre-fort», s'amuse Simon Lavalette, 25 ans, autre habitant de l'immeuble d'Argenteuil. Arrivé le premier sur les lieux, il a installé un lit de camp et un radiateur dans une pièce d'une trentaine de mètres carrés aux vitres fixes.

Dispositif expérimental

«Au début, j'étais seul, c'était un peu grand», avoue-t-il. Un interminable couloir sépare les appartements, à gauche, des espaces communs, à droite: une salle de bains, une cuisine et des toilettes.

Autre particularité: des détecteurs de fumées partout et plusieurs extincteurs. Les garçons ont l'interdiction de fumer ou d'allumer des bougies pour éviter tout risque d'incendie. Interdiction aussi d'organiser des fêtes ou d'amener son animal de compagnie.

Un mode de vie en colocation qui attire surtout des «jeunes, nomades, attirés par le côté atypique», détaille Olivier Berbudeau. «Ce n'est pas destiné aux familles», précise-t-il.

Les candidats, de jeunes actifs «responsables» et intégrés, sont sélectionnés sur entretien individuel. Ils «doivent être européens ou avoir un titre de séjour valide, garantir des revenus réguliers et d'une possibilité de relogement par des proches».

Le locataire n'est pas sûr de pouvoir rester longtemps, car son propriétaire peut récupérer les lieux avec un préavis de deux mois.

Pas d'intimité non plus: Camelot ou le propriétaire peuvent visiter les locaux à tout moment pour travailler à leur utilisation future. Camelot envoie régulièrement des rapports aux propriétaires sur l'état de locaux.

«Ce n'est pas du tout sécurisant. Après échéance du premier délai, ils peuvent être expulsés», critique Julien Bayou, cofondateur du collectif Jeudi Noir, connu pour ses occupations d'immeubles désaffectés.

Il se dit «très sceptique» sur le modèle de Camelot: «ça ne crée pas d'offre supplémentaire de logement puisqu'ils exigent que les personnes aient des solutions de relogement».

Pour Olivier Berbudeau, Camelot «n'est pas une alternative au mal-logement, mais au logement cher». En France, il évalue à 200 000 personnes le nombre de personnes qui pourraient être logées via ce dispositif.