Que signifie l'expression «amis Facebook» ?

La veille du Nouvel An 2011, Tanja Hollander s'est posé cette immense question contemporaine. Pour la traversée nocturne vers 2011, cette photographe de Portland, dans le Maine, avait préféré le confort de sa tanière aux confettis, champagne et accolades de minuit. Seule au monde pour LA soirée de l'année? Pas du tout.

«En même temps que j'envoyais un message Facebook à un ami exilé à Jakarta, en Indonésie, je rédigeais à la main une lettre à un autre copain envoyé en Afghanistan. À ce moment, je me suis mise à réfléchir sur le sens de la communication et de l'amitié», relate Tanja, en entrevue téléphonique.

Pendant les mois qui ont suivi son épiphanie, Tanja Hollander a créé un projet artistique, dont on peut observer l'évolution sur le blogue facebookportraitproject.com. L'objectif? Capter dans l'intimité de leur demeure les personnes qui figurent dans sa liste d'amis Facebook.

Arrivée au tiers de son exploration artistique, Tanja Hollander a tiré à ce jour quelque 250 clichés de type «portrait de famille», où des gens affichent un air stoïque devant la fenêtre de leur salon.

«J'ai envoyé un message de groupe à tous mes contacts Facebook, pour leur expliquer le projet», raconte Tanja, qui a profité de l'occasion pour procéder à un «ménage» de sa longue liste amicale.

«J'ai précisé, dans ce message, que quiconque souhaitait me soustraire de leur répertoire d'amis Facebook devait se sentir absolument libre de le faire. De mon côté, j'ai retiré de mes amis tous ceux qui n'ont répondu ni positivement ni négativement à mon message. Parce que bien franchement, ignorer les gens est impoli.»

Partir à la rencontre de ses amis virtuels, ça coûte de la monnaie sonnante et trébuchante. C'est pourquoi Tanja a commencé par trouver du financement. La première personne qui a répondu à l'appel à l'aide a été une photographe du président Obama. Tanja a profité de son passage à Washington pour prendre rendez-vous avec ses amis Facebook du District de Columbia. Par la suite, elle s'est invitée dans les domiciles d'amis de plusieurs États de l'Est des États-Unis.

«J'ai vécu une situation étrange avec une famille du Vermont. J'étais seulement amie Facebook avec le mari et quand je suis arrivée là-bas, la femme et les enfants ont refusé de me rencontrer. J'ai compris qu'une grosse chicane de famille avait précédé ma visite.»

Voilà le genre d'imbroglio né avec les réseaux sociaux...

Ce projet a aussi permis à la photographe d'entrer en contact pour une première fois avec des amis Facebook qu'elle ne connaissait que virtuellement. Et dans certains cas, elle s'est liée d'amitié «en vrai» avec des personnes qu'elle ne connaissait qu'en photo. Ne vivons-nous pas dans un monde étrange? «Plusieurs d'entre eux étaient liés à mon réseau professionnel, des gens qui m'ont été présentés par des curateurs sur Facebook.»

Une année après avoir amorcé son périple au coeur de la vie «réelle» de ses amis virtuels, Tanja Hollander poursuit sa réflexion sur l'amitié. Ce projet lui a permis de nourrir ses relations et même d'agrandir sa liste d'amis Facebook.

Elle abonde dans le sens de Sherry Turkle, auteure de l'essai Alone Together qui, sans accuser de tous les maux les réseaux sociaux, trouve important de remettre en question notre vie virtuelle.

«Ce n'est pas un substitut pour une vraie vie sociale. Facebook permet de solidifier certaines relations. Je trouve ça formidable, par exemple, de voir les enfants de mes amis grandir.»

À quand une photo de Mark Zuckerberg dans son salon? «J'aimerais bien qu'il se manifeste et m'aide à financer mon projet. Parce que tous ces déplacements coûtent très cher!