Communautarisme déguisé sous les paillettes, volonté d'en découdre avec les discriminations ou simple mise en avant de la diversité à la française: la première présentation du concours de beauté Miss Black France, organisé samedi à Paris, pose le débat de la représentation des minorités visibles en France, un pays qui ne reconnaît officiellement aucune communauté.

Créé à l'initiative du journaliste Frédéric Royer, le premier concours Miss Black France intervient dans un contexte tendu où les thèmes de la laïcité, du vivre-ensemble er de l'intégration des immigrés se sont invités dans la campagne présidentielle, parfois devant les sujets économiques et sociaux.

«Je déteste le mot »black« pour »noir«, mais j'ai choisi volontairement une dénomination qui puisse facilement être comprise à l'international», a expliqué Frédéric Royer à l'Associated Press, tout en reconnaissant que l'intitulé Miss Black France pouvait faire grincer des dents.

«Miss Black France permettra de mettre en avant le charme, l'intelligence et la personnalité de toutes les beautés à la peau sombre, comme le font déjà en France, et sans que cela ne dérange personne, nombre de magazines ou de chaînes de télévision», plaide M. Royer, se défendant de tout communautarisme, tout en dénonçant «l'absence criante de femmes noires en couverture des magazines».

Un manque de visibilité qui a créé une niche dans laquelle plusieurs titres féminins ethniques tels «Amina» ou «Miss Ébène» se sont engouffrés depuis des années. Le paysage audiovisuel s'est lui aussi enrichi de chaînes de télévisions musicales dont Trace TV ou M6 Black, qui affichent, même si elles s'adressent à tous, une programmation essentiellement consacrée aux courants musicaux comme le R&B, la soul et le hip-hop. Des genres musicaux particulièrement appréciés des jeunes générations, et dans lesquels les artistes afro-américains ou les jeunes Français issus de l'immigration sont particulièrement bien représentés.

«Aujourd'hui, le vrai communautarisme est représenté par l'homme blanc de plus de 50 ans, celui qui ne laisse pas de place aux autres», a dénoncé Fred Royer.

Au-delà de l'intention louable qu'est la promotion de la diversité, un tel concours pourrait «produire le résultat inverse de l'effet recherché», a analysé Patrick Lozès, fondateur du Conseil représentatif des associations noires (CRAN).

«Une telle manifestation programmée entre les deux tours de l'élection présidentielle risque de braquer des Français qui s'interrogent déjà sur les modifications qui sont en train de secouer la société française, face à la soudaineté de son évolution».

M. Lozès, qui dit préférer «les règles républicaines à celles du communautarisme», souhaite que les jeunes femmes noires en quête de reconnaissance optent pour les concours nationaux plutôt que de «s'enfermer dans leur identité ethnique».

«Je peux estimer qu'il n'y a pas assez de Noirs dans les entreprises, mais est-ce que pour autant je vais créer des entreprises réservées aux Noirs?», s'est-il interrogé.

Geneviève de Fontenay, «marraine de coeur» de ce concours, n'y voit rien à redire.

«Eh bien oui, il y a des Noirs en France, et il va bien falloir l'admettre», a-t-elle déclaré à l'Associated Press, pas peu fière de son palmarès en tant qu'ancienne présidente du Comité Miss France, «qui a couronné quatre Miss France noires entre 2000 et 2010».

Si la dame au chapeau soutient la cause, c'est parce qu'elle estime que «les canons de la beauté sont universels».

«Ce concours aura le mérite de représenter toute la diversité de la société française d'aujourd'hui, ce qui est loin d'être le cas de la classe politique qui pourtant devrait donner l'exemple.»

Parmi les dix-huit finalistes qui se disputeront la couronne de Miss Black France samedi figurent 13 Françaises, trois Sénégalaises, une Guinéenne et une Portugaise.

«Elles incarnent toutes les nuances du large éventail des beautés noires», a noté Frédéric Royer. Prié de dire ce qu'il ferait si une jeune fille blanche souhaitait participer à Miss Black France, l'organisateur a répondu: «Si elle se sent »black«, elle sera la bienvenue», tout en reconnaissant qu'il ne pourrait s'y opposer, la discrimination fondée sur l'appartenance à une ethnie étant interdite en France.