Les hommes homosexuels sont-ils plus minces que les hétéros? Ça ne fait aucun doute pour Simon Doonan. Dans son plus récent livre, Gay Men Don't Get Fat - qui est tout sauf un guide pour maigrir! -, il lance des explications tantôt farfelues, tantôt justes sur la sveltesse des gais. Au-delà des clichés, qu'en est-il?

Simon Doonan n'est pas nutritionniste. Il est pilote de style et porte-parole de la chaîne Barneys. Il a été columnist pour The New York Observer pendant 10 ans. On le sollicite de toutes parts pour commenter la mode, de la robe de mariage de Kate Middleton au tapis rouge des Oscars. Faire dans la dentelle? Pas son genre. Son humour est grinçant et irrévérencieux, et son langage, plutôt cru.

Dans Gay Men Don't Get Fat, il avance qu'il existe seulement deux groupes alimentaires: les aliments gais et les aliments hétéros. Dans une entrevue accordée au New York Times, il illustre sa pensée: «Les chips gaies sont cuites au four, les chips hétéros sont frites.» On doit consommer un savant mélange des deux pour garder sa ligne, conseille-t-il. Les mets gais par excellence? Les macarons. Les sushis aussi. À l'inverse, la cuisine mexicaine est totalement hétéro. Tout comme les barbecues, alors que l'on y consomme compulsivement du guacamole et de la bière... avant le repas! «Savent-ils au moins combien de calories et de gras ils ingèrent?» écrit-il sur un ton paniqué.

Les gais, avance-t-il, sont minces parce qu'ils ont moins d'obligations et plus de temps libres, d'où leur abonnement VIP au centre de conditionnement physique. Ils occupent souvent des professions «brûleuses de calories». Suivez un coiffeur ou un designer de vitrine avec un podomètre, suggère-t-il. L'auteur des best-sellers Wacky Chicks et Nasty (à l'origine de la série télé Beautiful People) propose une enfilade de clichés - il ne s'en cache pas - et une bonne dose d'ironie et de dérision (inclure ici autodérision).

La quête du corps parfait

Les hommes homosexuels sont-ils réellement plus minces? Oui, répond Bernard Lavallée, nutritionniste montréalais et auteur du blogue Gay Nutrition (gaynutrition.ca). «Les recherches sur la question sont peu nombreuses et les échantillons étudiés, petits, mais on remarque que les hommes homosexuels ont tendance à avoir un indice de masse corporelle (IMC) moins élevé que les hétéros», explique-t-il.

Plusieurs facteurs entrent en compte. «Les hommes homosexuels accordent davantage d'importance à leur apparence corporelle. Ils en sont plus préoccupés et, en même temps, moins satisfaits de leur corps. La quête du corps parfait, mince et musclé, serait plus accentuée chez eux.» Dans un extrait de la série télé American Dad, Greg, le voisin homosexuel, illustre bien cette réalité. Il souhaite maigrir et confie: «Le brunch est mon unique repas de la journée. Je suis gros pour un gai. Mince pour un hétéro, mais gros pour un gai.»

La pression vient d'une part de la communauté gaie elle-même, selon Bernard Lavallée. «Dès qu'ils vont dans les clubs gais, les homosexuels se sentent jugés sur leur apparence par tous. Est-ce le cas des hétéros qui sortent dans les bars? Les hommes gais déclarent aussi regarder plus de pornographie et seraient donc plus exposés à des modèles de corps parfaits.» Ils pensent, à tort, que pour avoir une vie sexuelle épanouie, ils doivent être des Adonis.

Les entreprises, qui ciblent de plus en plus la clientèle gaie, n'hésitent pas à «faire de l'homme un objet», ajoute le nutritionniste. Sur son blogue, il critique une publicité pour les sous-vêtements Andrew Christian. «Je pense que les hommes gais sont les consommateurs numéro un de sous-vêtements chers. Comment pouvez-vous les amener à en acheter encore plus? Vous leur montrez des modèles avec un corps parfait qui portent votre produit en zoomant sur des entrejambes curieusement énormes, alors qu'ils sont trempés et qu'ils se touchent les uns les autres», écrit-il.

Cette pression n'est pas sans conséquence. «Les troubles alimentaires sont 10 fois plus présents chez les gais que chez les hétérosexuels, indique Howard Steiger, directeur du programme des troubles de l'alimentation à l'Institut Douglas. En moyenne, un tiers des hommes qui ont un trouble alimentaire s'identifient comme gais.»

«Il y a encore beaucoup à comprendre, dit le spécialiste. L'explication liée au modèle socioculturel est la plus acceptée. On présume que la culture gaie met plus l'accent sur l'apparence. Les effets: plus de poursuite de minceur, plus de conditionnement physique, etc. Ces facteurs augmentent le risque de développer des troubles de l'alimentation.

«On sait, d'autre part, que plus une personne - un homme ou une femme - manifeste des intérêts considérés comme «traditionnellement féminins», plus les risques de troubles de l'alimentation augmentent», ajoute Howard Steiger. Les hormones seraient même mises en cause. «Les théories sont spéculatives et la documentation là-dessus est très confuse. Mais on sait que les femmes qui sont plus exposées à l'oestrogène sont associées à un risque plus élevé d'anorexie nerveuse. Est-ce que cela pourrait être le cas chez les hommes? Possiblement, mais on ne sait pas.»

Dans Gay Men Don't Get Fat, Simon Doonan parle surtout de style et aborde la quête de la minceur avec humour. Mais comme il l'écrit, «les généralisations cachent toujours des parcelles de vérité».

Gay Men Don't Get Fat, de Simon Doonan, éd. Blue Rider, 254 p., 26,50$