Un hamster? Oui, vous savez, cette petite bête qui trotte et trotte sans cesse, pour se rendre absolument nulle part, mais qui continue de trotter quand même? Nous en avons tous un. Où ça? Mais là: dans nos têtes. Et savez-vous quoi? Il nous empoisonne la vie. Un nouveau livre fait le point.

Certains ont un hamster plus gros que d'autres. D'autres arrivent à le maîtriser plus ou moins. Mais peu importe sa taille, il finit toujours sinon par nous gâcher la vie, du moins par nous irriter drôlement, soir et matin.

Comment ça? Imaginez-vous au réveil. Vous ouvrez l'oeil, pour vous rendre aux toilettes. Et là, devinez quoi? Quelqu'un a fini le rouleau de papier, mais ne l'a pas changé. Ça vous irrite? Un peu, beaucoup? Pourquoi est-ce toujours sur vous que repose la tâche de changer le rouleau, après tout? Non, mais! Puis au petit-déjeuner, il ne reste plus de pain. Non, mais, qui a fini le pain, encore? Vous sentez, c'est immanquable, la tension monter. En route vers le boulot, enfin, ça ne rate jamais, vous vous retrouvez coincé dans les bouchons. Décidément, la journée part bien ce matin, hein? J'imagine que rendus là, vous êtes verts.

Vous reconnaissez-vous? Ces montées de lait, c'est ça, votre hamster. Une «métaphore de l'ego» inventée par le médecin et auteur Serge Marquis, qui vient d'écrire un livre sur la question pour nous aider à nous en libérer enfin: Pensouillard le hamster, petit traité de décroissance personnelle. Ce consultant dans le domaine de la santé mentale au travail utilise cette image du hamster depuis 20 ans déjà.

Dans la nature, le hamster court pour fuir un danger, illustre-t-il. Et dans nos vies? «Non, le rouleau de papier de toilette ne met pas notre vie en péril, répond-il, amusé. Mais notre moi, lui, se sent attaqué, explique-t-il. Comme si quelqu'un ne tenait pas compte de nous. Comme si on n'existait pas.» Ici, donc, le hamster incarne notre ego, un ego qui se sent menacé quand il croit qu'on lui manque de respect (en ne changeant pas le rouleau de papier de toilette, donc, ou en finissant toujours le pain, et en mettant toutes ces voitures sur notre chemin).

Oui, tout le monde, ou presque, est ainsi fait. «À 95%, précise l'auteur; un 95% dont je fais partie.» Personnellement, Serge Marquis confie qu'il sent son hamster partir en feu quand il parle et que quelqu'un fronce les sourcils. «À cet instant même, un inconfort m'envahit, dit-il. Mon cerveau interprète la moue de mon interlocuteur comme une attaque, et cela génère en moi un inconfort. Je vois sa moue comme un animal la verrait, il y a des millions d'années, comme une expression de son agressivité. Mon estomac se contracte, je ressens un malaise. Oui, c'est physique!»

Solution? Pour venir à bout de ces coups d'humeur, de cette «course du hamster qui ne mène absolument à rien», Serge Marquis suggère deux choses. D'abord: prendre conscience de vos «pensouillures» (loin d'être des «pensées», il s'agit ici des réactions de votre hamster, ou votre ego, totalement improductives et surtout négatives). Ensuite: jouez avec votre attention (au lieu de vous concentrer sur votre hamster, abstrait, inutile et contre-productif) pour vous concentrer sur le concret, vos actions, votre respiration. Vous êtes immobilisés sur un pont? Écoutez donc de la musique, ou observez le paysage. «Vivre le moment présent, c'est ça!» souligne d'ailleurs l'auteur, en dénonçant la méprise générale du concept que trop de gens interprètent comme l'importance de «profiter au maximum de la vie avant de mourir». «Le moment présent, c'est de porter attention aux ordures quand je sors les ordures, et non à mon gros ego!» résume-t-il.

C'est précisément pour cela que l'auteur préconise non pas la «croissance personnelle», mais plutôt la «décroissance»: «la solution n'est pas de s'affirmer davantage, de chercher une plus grande reconnaissance (un plus gros ego), mais au contraire de fixer son attention sur le concret», résume-t-il.

Bilan? «Plus je reste dans le concret, moins je vais me faire souffrir inutilement, plus je vais être en paix, bien dans ma peau.» Bref, heureux. Qui dit mieux? À go, on dit adieu au hamster?

Pensouillard le hamster, petit traité de décroissance personnelle, du Dr Serge Marquis, éd. Transcontinental, 184 p., 22,95$