«Devenir hôtesse de l'air, c'est aujourd'hui le rêve de plusieurs jeunes filles», clame Lizette Gervais, la narratrice d'un film promotionnel produit en 1965 par Air Canada. Monter à bord d'un Airbus étant devenu presque aussi banal que de prendre l'autobus, on a oublié tout le glamour jadis associé au transport aérien. Mais grâce à la série Pan Am, le mythe de l'hôtesse de l'air parfaite refait ces jours-ci surface. Retour sur une époque révolue...

«Hôtesse de l'air est un métier de jeune fille. Inutile de se présenter à l'entrevue, si on a moins de 20 ans et plus de 26 ans», disait un film promotionnel d'Air Canada, très précis dans ses descriptions des critères d'embauche des équipages de cabine.

À l'instar de Colette Valois, personnage interprété par Karine Vanasse dans la série américaine Pan Am, l'hôtesse de l'air d'autrefois devait «avoir un physique agréable et un charme discret, mais sans provocation, car les beautés de choc dérangent plus qu'elles ne rassurent les voyageurs», comme l'indiquait le film d'Air Canada.

Un métier aux valeurs rétrogrades, qui réduisaient les jeunes femmes à des objets souriants ou, ultime insulte, à des «serveuses dans les airs»? Pas selon les ex-hôtesses de l'air qui nous ont raconté leurs expériences, à bord des anciens Viscount ou Boieng 747.

Jocelyne René, qui a travaillé pour cette compagnie aérienne de 1962 à 1968, conserve d'excellents souvenirs de cette période où elle passait le plus clair de son temps au-dessus des nuages, entre l'Europe, les États-Unis et les provinces maritimes. À l'époque, elle avait même prêté son visage à une campagne publicitaire pour Air Canada.

«Comme j'avais été photographiée devant une image de la tour Eiffel, mon employeur estimait que je devais visiter Paris, afin d'être apte à répondre aux questions des passagers qui reconnaîtraient mon visage. On m'a donc offert un vol Montréal-Paris. Jean-Pierre Ferland était à bord et j'ai passé une grande partie du vol assise à côté de lui. Il m'a invitée à souper: j'ai accepté à condition que ma superviseure nous accompagne!» évoque Mme René, qui se remémore avec plaisir cette époque où, comme toutes les hôtesses, elle devait se présenter au travail avec un maquillage discret et les ongles impeccablement manucurés.

«On ne devait pas prendre de poids. Il arrivait parfois que certaines hôtesses soient envoyées en congé, le temps de perdre 10 livres. Il fallait aussi porter une gaine.»

Marie-France Mousseau suit la série Pan Am avec beaucoup d'intérêt et y repère une foule de similitudes avec ce qu'elle a vécu, pendant ses années d'hôtesse de l'air, de 1968 à 1974. «Elles portent les mêmes gants, les mêmes chapeaux, les mêmes beaux manteaux chics qu'on avait à l'époque», affirme la dame.

Caviar et champagne en première classe

Être célibataire (et s'engager à le rester), ne porter ni lunettes ni dentier (!), être bilingue, mesurer entre 1m57 et 1m72, avoir un poids inférieur à 61 kg - vérifié ponctuellement lors d'une pesée obligatoire -, s'engager à prendre sa retraite à 35 ans...

L'hôtesse de l'air d'hier incarnait la jeunesse, la distinction et la serviabilité. Dans les années 50,les candidates devaient même avoir un diplôme d'infirmière! En 1965, plusieurs de ces règles strictes d'embauche ont été abolies, en vertu de lois sur les droits de la personne plus «permissives».

De 1965 à 2003, Jeannine St-Onge a volé avec Air Canada, d'abord dans les habits verts signés Michel Robichaud et, ensuite, dans les costumes de Léo Chevalier. «Après ça, les uniformes sont devenus de moins en moins beaux», regrette celle qui, en 37 ans de carrière, a connu les belles années de la première classe, les longues escales à Boston, en Martinique ou en Jamaïque, les premiers longs vols vers «les Indes», le caviar servi en première classe... Et puis, les restrictions budgétaires.

«Quand je suis rentrée, on gagnait des salaires plus élevés que les secrétaires. Maintenant, je me demande si c'est encore le cas», observe avec une certaine amertume celle qui, à une époque décidément révolue, a servi aux passagers des casseroles dans des assiettes de porcelaine et fait des vols jusqu'en Arabie Saoudite avec des passagers musulmans qui faisaient le voyage à La Mecque. Quand elle a pris sa retraite, il y a huit ans, le glamour avait disparu.

«Autrefois, les gens n'arrivaient pas avec leurs portables à bord et voler était une occasion spéciale. Aller à Paris en première classe, c'était extraordinaire. Ça coûtait cher, mais ça valait le coup! Je n'ai pas fait les vols où on vendait de la bouffe à bord, je suis partie à temps: partir du caviar pour ensuite vendre des ailes de poulet, je ne pouvais pas!» confie la nostalgique d'une époque où les gens étaient heureux de voyager.

Jocelyne Désourdy, qui a été hôtesse de l'air entre 1969 et 1989, abonde dans son sens. «Les dames s'achetaient un nouveau tailleur pour prendre l'avion, les hommes étaient en complet et cravate. C'était impensable de prendre l'avion en jeans. Et il n'y avait pas toutes les contraintes de sécurité d'aujourd'hui.»

La fin du jet set

Chez Air Canada depuis 1995, Stéphane Picard forme aujourd'hui les agents de bord pour le transporteur. Il raconte à quel point ce métier a changé, depuis les événements du 11 septembre 2001.

«Avec les changements causés par les nouveaux critères de sécurité, on exige désormais que la porte de la cabine de pilotage soit fermée en tout temps. Cela a nui un peu au travail d'équipe entre les pilotes et les agents de bord. Et pour ce qui est du côté plaisant du travail, les choses ont bien changé. Il y a une vingtaine d'années, il n'était pas rare de partir pour une dizaine de jours. Si je prends par exemple l'équipe du vol de ce soir vers Paris, ils n'auront que 24 heures entre leur départ et leur retour.»

Révolues, en même temps, les obligations de se maquiller et de maintenir une silhouette mince. Quant à la taille requise, elle importe peu: la seule condition est d'être suffisamment grand (ou d'avoir des bras assez longs) pour accéder à l'équipement à bord.

Reste que jusqu'à tout récemment, un peu du glamour d'autrefois avait toujours cours chez Air Canada. «L'année dernière, les agents de bord qui voyageaient sur une «passe» ne pouvaient pas porter de jeans. Et il y a trois ou quatre ans, la cravate était encore obligatoire.»

Cigarettes bannies à bord, couverts de plastique, sac Ziploc pour les liquides et habits de jogging règnent désormais sur les vols. Elle est bien loin derrière la douce époque où Diane Dufresne chantait «Je voulais passer ma vie à flyer, c'est pour ça que j'ai fait hôtesse de l'air.»

Les années flyées

Jocelyne Désourdy, chez Air Canada pendant 20 ans, estime avoir connu les belles années du transport aérien. Au début des années 80, elle avait été choisie au sein des deux équipages qui accompagnaient Pierre Elliott Trudeau, pendant sa campagne électorale.

Et dans les années 70, elle avait été l'une des neuf hôtesses sélectionnées pour faire des «relations publiques», lors de la sortie des Boeing 747.

«Nous portions un costume différent de couleur rose pâle: des pantalons palazzo en satin, une veste smoking et un long collier de perles. On accueillait les gens en première classe avec un cocktail et pendant le repas, on allait jaser avec les gens en économie. On se promenait, on était belles, on faisait du PR...»

Les «pursers»

À l'époque où le métier d'hôtesse de l'air était réservé aux jeunes femmes, les hommes de l'équipage occupaient quant à eux le métier de «purser». Ces employés, qui gagnaient un salaire plus élevé, étaient responsables de la cabine.

Les «vraies» intrigues de Pan Am

Nancy Hult Ganis, productrice exécutive de la série Pan Am, en connaît un bail sur l'âge d'or de l'hôtesse de l'air: de 1968 à 1976, elle a exercé ce métier pour la ligne Pan American World Airways. «Aucun des personnages n'est inspiré d'une vraie personne, mais il y a plusieurs événements véridiques qui ont inspiré le scénario. Par exemple, tout ce qui concerne l'histoire d'espionnage est absolument vrai, ce qu'ignore la majorité des gens. La population ne connaissait pas les missions secrètes de Pan Am et le lien de la compagnie avec le département d'État. Certains employés de Pan Am étaient liés à la CIA.