Victoria, grands yeux ronds, fait la planche dans la piscine de la petite ville de Dale City, non loin de Washington. Elle n'est pas très rassurée, mais elle sait qu'elle ne doit pas trop bouger ou elle boira la tasse. Victoria a 10 mois.

Vêtue d'un maillot de bain rose, la fillette assiste du lundi au vendredi aux séances d'Infant Swimming Ressource (ISR), une méthode controversée de prévention des noyades mise au point aux États-Unis en 1966 par le docteur Harvey Barnett.

«Au début, elle était un peu grognon, mais elle s'est vite habituée», assure Sara, 31 ans, la maman de la fillette capable de se retourner dans l'eau pour faire la planche lorsqu'elle est placée allongée visage dans l'eau.

«Cela demande beaucoup de dévouement, mais ça vaut vraiment la peine, je sais qu'elle peut se sauver seule». Mère et fille font chaque jour deux heures de route pour se rendre à la piscine située en Virginie. Les cours de dix minutes s'étalent sur quatre à six semaines.

Destinée aux enfants de six mois à six ans, la méthode est enseignée aux États-Unis et dans onze autres pays, dont l'Allemagne et le Portugal, d'après le site internet de la société.

Evan, 20 mois, est capable lui de nager sous l'eau en battant des pieds et en se retournant régulièrement pour faire la planche et reprendre son souffle.

«Les premières fois il a pleuré, mais parce que c'était nouveau. Maintenant il pleure quand il sort de l'eau», assure Wendy, 31 ans, la maman du garçonnet qui semble afficher un large sourire même sous l'eau.

«Je continue de la surveiller, mais si je tourne le dos je ne suis plus aussi angoissée qu'avant», confie Amy, 37 ans, la maman de Gabby, quatre ans.

Mais la méthode ne fait pas que des adeptes. Ces leçons «devraient être considérées, au minimum, comme des violences sur enfants», assure à l'AFP Jim Reiser, un instructeur qui a créé sa propre école de natation et qui prône une approche en douceur de l'eau.

«J'ai été obligé d'arrêter la vidéo. J'étais en pleurs, l'estomac retourné», affirme-t-il à propos d'une vidéo diffusée sur internet et où on voit un instructeur jeter à l'eau, à plusieurs reprises et à un rythme soutenu, un bébé d'un an, Lincoln, qui peine à reprendre sa respiration entre eau engloutie et sanglots.

«Imaginez ce à quoi l'enfant devait penser mais qu'il ne pouvait exprimer du fait de son jeune âge. Si l'instructeur avait fait cela à un adulte, celui-ci aurait certainement pensé que ce gars-là cherchait à le tuer», s'indigne-t-il.

Contactée par l'AFP, Jennifer Feagans, la maman du petit Lincoln, désormais âgé de quatre ans, assure que son fils «adore» l'eau et qu'il est devenu un «nageur incroyable», tout en admettant que sa vidéo «est difficile à regarder».

Le docteur Richard Lichenstein, pédiatre urgentiste à l'hôpital pour enfants du Maryland, à Baltimore, ne recommande cependant pas la technique. «Il n'a pas été prouvé de manière concluante que cette technique apprend aux enfants à survivre (à une noyade). Pire, elle peut laisser croire à tort aux parents que leur enfant ne peut pas se noyer», affirme-t-il à l'AFP, évoquant en outre des «risques associés» comme une hypothermie, une intoxication par l'eau avalée et des infections gastro-intestinales ou de la peau.

En 2007 aux États-Unis, il y a eu 525 noyades accidentelles parmi les enfants d'un à six ans, selon les données des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC).