Le temps qui passe, souvent trop vite, parfois trop lentement, règle notre vie. D'une course à l'autre, entre la maison, le bureau, les cours de natation des enfants, on n'a que très peu de recul pour apprécier notre rapport au temps, aux torts et aux travers d'une convention à laquelle on se plie sans se poser de questions. L'oeuvre The Clock de l'artiste américain Christian Marclay fait le pari de réfléchir au temps par l'entremise du cinéma. Et l'installation fait parler d'elle partout où elle est montrée.

«À Venise, The Clock a fait tourner toutes les têtes», rapporte avec enthousiasme Jonathan Shaughnessy, conservateur adjoint de l'art contemporain au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa.

Et pour cause: cette métaphore du temps qui passe sous la forme d'un minutieux collage cinématographique a valu à son créateur, Christian Marclay, le Lyon d'or de l'artiste de l'année, à la Biennale de Venise.

Pour les amateurs d'art contemporain d'ici, le moment ne saurait être meilleur: dans moins d'un an, The Clock (que l'auteure britannique Zadie Smith a qualifié de «meilleur film que vous allez voir dans votre vie») s'installera dans la capitale canadienne.

Fruit d'une recherche ayant exigé au musicien, compositeur et plasticien californien Christian Marclay un travail de moine de 10 ans, The Clock est un collage de clips extraits d'un millier de films et émissions de télé. Toutes les références ayant servi à composer cette oeuvre de 24 heures ont en commun de faire référence au temps.

«La plupart sont des films d'Hollywood ou de France, mais Marclay s'est aussi servi de films asiatiques, dont quelques japonais», explique Jonathan Saughnessy.

Ainsi, s'il est 7h du matin à Ottawa, les visiteurs du Musée des beaux-arts d'Ottawa verront sur l'écran une scène de film où, justement, il est 7h sur l'horloge de la tour de Back to the Future, par exemple. Un concept d'apparence un peu simple, convient Jonathan Shaughnessy, qui affirme toutefois que cette oeuvre qui ne dort jamais amène chez celui qui l'observe une réflexion métaphysique sur le temps qui passe et nous mène par le bout du nez.

«The Clock est moins un film sur l'histoire du cinéma qu'une oeuvre sur cette convention autour d'une idée du temps qui règle notre vie.»

Réglé comme du papier à musique

Certaines oeuvres de Christian Marclay (qui vit entre Londres et New York) ont déjà été vues à Montréal, au centre de diffusion DHC et au Musée d'art contemporain.

Le Musée des beaux-arts d'Ottawa s'est joint au Musée des beaux-arts de Boston pour faire l'acquisition de l'installation. Les deux musées auront la «garde partagée» de cette oeuvre, qui sera ensuite prêtée.

Les cinéphiles reconnaîtront des scènes de Casino Royale, Pulp Fiction, Easy Rider, Titanic, Barton Fink, dans ce pot-pourri filmique où l'heure du jour devient le langage universel. «L'heure devient la trame narrative. D'ailleurs, il n'y a aucun sous-titre. Même si le langage change, ce n'est pas un problème: la référence commune reste le temps.»

Pour favoriser l'appréciation de cette oeuvre, le Musée des beaux-arts du Canada aménagera un espace confortable avec sofas. Le Musée prévoit également quelques «nuits blanches», pour que l'oeuvre de 24 heures soit vue et appréciée dans son intégralité.

The Clock, que Jonathan Shaughnessy qualifie de «tour de force», existe en six exemplaires et a déjà été présentée à Londres, à New York et à Los Angeles.

«C'est un artiste très important, qui donne à vivre une expérience profonde. Il veut déconstruire toutes les conventions du film de l'histoire du cinéma, en créant une expérience cinématique.»