Donc, Oussama ben Laden est mort et des milliers d'Américains jubilent. Serait-il possible que, profondément enfoui dans notre cerveau animal, le sentiment de revanche fasse naître autant de plaisir chez certains que le chocolat ou le sexe?

Aussi macabre que cela semble, la neurologie a déjà exploré cette question, et répondu par l'affirmative dès 2004: le cerveau humain y trouve du plaisir, dans certaines circonstances. C'est en fait le même «centre de la récompense» qui s'active dans le cerveau que lorsqu'on savoure une bonne bouffe ou lorsqu'un toxicomane réagit à sa drogue préférée.

Est-ce la nature ou la culture qui parle? Cette fois, ce sont des psychologues qui ont posé la question. Michael McCullough (Beyond Revenge: The Evolution of the Forgiveness Instinct, 2008) y voit beaucoup de biologie. Autrement dit, le désir de revanche serait fermement ancré dans l'évolution.

Interrogé par le Scientific American, ce professeur de psychologie à l'Université de Miami commence par expliquer la «logique» de la revanche: il y aurait tout d'abord des mécanismes, dans les cerveaux des animaux sociaux, qui les empêchent de faire du mal à leurs semblables, de sorte que la revanche serait la «punition» pour ceux qui choisissent, malgré tout, de faire du mal.

Cela dit, il y a punir et punir : «Il semble, d'après les meilleurs modèles que nous ayons, que les individus possédant un goût pour punir ceux qui leur ont fait du mal, peuvent devenir des acteurs majeurs de leur groupe... La vengeance la plus visible est aussi celle qui rend les gains de l'autre personne les moins profitables. Vous avez pénétré leur système de profits et pertes et vous leur avez fait perdre ce qu'ils avaient gagné lorsqu'ils vous ont fait du mal. Une chose intéressante est que le désir de vengeance augmente s'il y a eu des gens pour observer comment vous aviez été traité.»

Il s'agirait donc de ce que les économistes appellent un rapport coût-bénéfice. Plus le mal qui vous a été fait a été «coûteux» (l'humiliation, ou bien la perte de quelque chose), plus le désir de vengeance est fort.

Ce qui peut certainement expliquer la fin pour le moins spectaculaire d'Oussama ben Laden. Mais ça ne grandit pas beaucoup l'humain, lui qui aime bien se croire au-dessus des animaux. De conclure Michael McCullough: «Avec tout [ce que nous savons], pardonner semble être la chose raisonnable à faire. Mais c'est dur. Il est facile de confondre pardon et faiblesse, et c'est la dure réalité de notre univers social d'aujourd'hui : l'inaction est facile à confondre avec un manque de courage.»

Autres liens cités dans l'article :

The Pleasure of Revenge (Scientific American)

https://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=the-pleasure-of-revenge

Celebrating a Terrorist's Death - The Psychology & Biology of Revenge (Planet Save)

https://planetsave.com/2011/05/06/celebrating-a-terrorists-death-the-psychology-biology-of-revenge/

Why We Needed Bin Laden Dead (The Chronicle of higher Education)

https://chronicle.com/article/Why-We-Needed-Bin-Laden-Dead/127404/

Beyond Revenge

https://www.beyondrevengebook.com/

Does Revenge Serve an Evolutionary Purpose? (Scientific American)

https://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=revenge-evolution