«Ah, que vous êtes jolie! Vous avez un amoureux?», lance Bénédicte Ann, en guise d'entrée en matière à notre entretien sur son nouvel ouvrage, portant sur le «coaching amoureux»

«Non. Mais de toute manière, j'ai lu dans votre bouquin que même les moches pouvaient trouver leur âme soeur.»

En vérité, s'il faut croire l'auteure de Le prochain, c'est le bon! , personne - ni les sociopathes albinos ni les plus de 35 ans et encore moins les dépendants affectifs au physique difficile - ne devraient être condamnés au célibat à perpétuité. L'amour, précise Mme Ann d'entrée de jeu, n'a rien à voir avec une apparence avantageuse, le destin ou la chance.

«C'est pour cela que les magazines féminins marchent bien: ce qui fascine les femmes, c'est la beauté des autres femmes. La fille qui tient ses copines pour rivales a probablement eu une maman qui lui a donné l'impression qu'elle n'était pas assez jolie pour être aimée. Du coup, puisqu'elle trouve les autres plus jolies qu'elle, elle ne rencontre pas. Voilà son diagnostic amoureux!»

Sous chaque histoire d'échecs affectifs en série, il y a une blessure d'enfance, un «pattern» à casser, un passé amoureux avec lequel faire la paix. Et pour réussir son «casting amoureux» et aspirer à une relation durable, il faut y mettre l'énergie, la foi et la persévérance et, idéalement, se prévaloir des services d'un coach amoureux. Organiser des soirées, multiplier les occasions de rencontres, sortir de sa zone de confort... Internet? Feu vert: à condition d'user d'intelligence, dans nos rencontres en ligne. Le plus important reste encore d'être clair et honnête vis-à-vis soi-même et les autres.

«Si vous n'aimez pas le sexe, c'est ok. Si vous aimez, c'est ok. Si vous avez besoin de cinq amants, c'est ok. Tout est ok: faut juste savoir où vous en êtes et pas vous raconter d'histoires. Parce que si vous ne savez pas ce que voulez vivre en amour, comment voulez-vous rencontrer quelqu'un avec qui le vivre?»

Après 20 ans d'expérience en «coaching amoureux», Bénédicte Ann a condensé sa science dans son livre Le prochain, c'est le bon! , une méthode pragmatique, terre-à-terre en cinq étapes pour surnager et même triompher dans la jungle moderne des rencontres et dénicher la perle rare. C'est-à-dire la personne qui partage nos rêves, nos aspirations et nos valeurs profondes.

Petite bombe blonde parisienne qui ne passe pas par quatre chemins pour expliquer pourquoi les relations ne tournent pas rond à l'heure de l'internet et de la monogamie en série - «Trop de femmes s'accrochent à des bad boys, trop d'hommes cèdent pour des Cruella, les gens préfèrent se complaire dans leur pattern plutôt que d'oser le bonheur.» -, Bénédicte Ann concède que la confusion est un sentiment bien partagé, chez nombre de célibataires en «chasse».

L'âme soeur ou le prince charmant?

Faut-il (ou peut-on?) vraiment croire à l'âme soeur, même après quelques blessures du coeur, deux ou trois tromperies et un coeur rapiécé?

Oui, absolument et résolument, décrète Bénédicte Ann, qui prône une réconciliation avec ce concept si cher aux âmes romantiques, même si elle se montre plutôt contre la cohabitation comme but ultime de la relation et en faveur du «chacun chez soi» («à moins qu'il y ait projet d'enfants»). Or, à toutes les émules de Kate Middleton qui chérissent secrètement le désir de rencontrer leur William, une mise en garde: une âme soeur n'est pas un prince charmant.

«Je crois que nous possédons tous plusieurs âmes soeurs, qui vivent sur la même fréquence que nous. Il s'agit de quelqu'un qui a des valeurs communes et un projet d'amour semblable au sien», estime la dame, qui animera, pendant sa tournée québécoise, des Cafés de l'amour, avec son homologue québécois, Jean-Sébastien Marsan (auteur de l'essai Les Québécois ne veulent plus draguer).

Sur le sujet de l'âme soeur, Marsan abonde dans le sens de Bénédicte Ann. «Ce qui m'énerve, c'est le cliché ultraromantique de l'âme soeur. Quelqu'un qui nous est prédestiné, qui est notre moitié, qui nous est livré sur un plateau d'argent, lors d'un coup de foudre au premier regard. Cette conception vient du Banquet de Platon, d'une croyance héritée d'une légende grecque, qui prétendait que Zeus avait séparé les humains sur la longueur et que depuis ce temps, ils cherchaient leur moitié...»

Deux Cafés de l'amour - ce soir à 19h à la librairie Olivieri et le 21 mai à l'hôtel Lord Berri- auront lieu à Montréal. En compagnie de Bénédicte Ann et Jean-Sébastien Marsan, des «apprentis amoureux» seront invités à ouvrir leur coeur dans ce «lieu d'expérimentation du lien».

«Grâce à Jean-Sébastien, je vais savoir comment ça se passe pour les hommes et les femmes aujourd'hui, au Québec. Nous allons aussi faire des exercices où je vais obliger les hommes à regarder les femmes dans les yeux et inviter les femmes à se montrer plus accueillantes avec les hommes. Au début, les gens sont mal à l'aise, mais au bout de moment, j'ai du mal à les arrêter: les gens adorent être dans le lien!»

Et si le prochain, c'était le bon? L'important, paraîtrait-il, est de participer ou, comme le dit Bénédicte Ann, d'être «acteur de notre vie».

«Aujourd'hui, dans un monde en pleine mutation, tous les modèles coexistent, même si le couple demeure le modèle dominant. Il faut savoir dans quelle société on vit, identifier les différents modèles existants pour savoir à quel modèle on veut appartenir.»

Dans l'univers de l'amour 2.0, une chatte n'y retrouverait pas ses petits. Une chance qu'il y a les coachs pour nous servir de GPS.

Pour plus d'informations sur les Cafés de l'amour: www.cafedelamour.fr

Le prochain, c'est le bon!, de Bénédicte Ann, éd. Albin Michel, 295 p., 26,95$