Ils s'appellent Maxime, Valérie, Vanessa et Jean-Roch. lls ont entre 18 et 20 ans et ils ont grandi dans Hochelaga-Maisonneuve. Osons poser la question: et si naître dans ce quartier était un frein à leur destin?

Cette question, crue et sans détour, c'est la réalisatrice Carole Laganière, elle-même native du coin, qui la pose dans L'Est pour toujours, un documentaire dur, quoique terriblement touchant, sur la vie de plusieurs jeunes du quartier. C'est ainsi qu'on découvre Maxime, le rappeur-poète qui a passé des années en centre jeunesse; Valérie, l'écrivaine philosophe, qui s'est retrouvée en famille d'accueil; la petite Vanessa, qui n'arrive pas à trouver un boulot. Mais aussi Samantha, qui étudie et travaille à temps plein, et Jean-Roch, qui souffrait, enfant, de troubles du comportement, et qui vient de s'installer en appartement.

Ce qui est ici particulièrement intéressant, c'est la démarche de la réalisatrice. En 2003, déjà, elle avait rencontré ces mêmes jeunes, pour réaliser Vues de l'Est, finaliste aux prix Jutra et Gémeaux. On voyait alors les jeunes, enfants, raconter leurs vies, leurs chagrins, et leurs rêves, aussi. Ils avaient entre 8 et 11 ans. Ils parlaient du quartier, de pauvreté, de drogue et de prostitution, sans vraiment la voir. Avec une innocence charmante, propre à l'enfance. «J'étais curieuse de voir comment se dessinerait leur avenir», explique Carole Laganière en entrevue.

Sept ans plus tard, donc, une fois les enfants devenus de grands adolescents, moins innocents, elle les a tous retrouvés pour faire le point. Son film, qui juxtapose habilement les images du passé avec celles du présent, offre un tout autre portrait. Exit l'humour et la légèreté de l'enfance, place à des discussions de grands, hyper lucides, sur la vie, la mort, la dépression, aussi. «C'est la vie, il faut la prendre comme elle est. Il faut l'accepter, pis avancer pareil», dira la sage Valérie, en parlant de sa mère, qui l'a pour ainsi dire abandonnée, et de sa soeur, dont elle a été séparée.

«Ce qui m'a le plus étonnée, poursuit la réalisatrice, c'est l'importance du rapport à la famille. J'avais l'impression qu'à 18 ans, on prenait un peu de l'air, on vivait sa vie. Or, je me suis rendu compte que la famille, surtout dans les cas les plus douloureux, déterminait beaucoup de choses. On sent beaucoup d'amertume, de choses non réglées.»

Bilan? Un frein ou une force de naître dans l'Est? «Je crois que c'est quelque chose qui nous suit tout le temps. Comme naître dans Westmount, d'ailleurs. On est tous des grands enfants et on poursuit la voie tracée dès le départ. Oui, naître dans l'Est, c'est un petit peu une fatalité», tranche-t-elle.

Une fatalité paralysante? «Pour certains, oui, on voit que ça pèse. Mais pour d'autres, c'est aussi une force. Je pense à Samantha qui va au cégep et qui étudie. Mais c'est la seule. Elle est l'exception qui confirme la règle. Oui, je dirais que l'éventail des possibilités est plus limité quand on naît dans un quartier défavorisé.»

Maxime Desjardins-Tremblay, que l'on a découvert dans Le ring puis Virginie, et qui apparaît aussi dans le documentaire, n'est pas de cet avis: «C'est partout pareil, dit-il en entrevue. Un quartier peut être un frein ou une force. Mais il n'y a pas plus de freins là qu'ailleurs.» Il se félicite d'ailleurs qu'un film montre enfin un autre aspect du coin. «Moi, je trouve le film motivant. On voit que certains jeunes vont mieux, se trouvent un appart, retournent à l'école. Cela montre une autre vision du quartier», dit le comédien.

La réalisatrice ne trouve pas non plus que le film soit tout noir. Au contraire. «Ce n'est pas un film sombre, insiste-t-elle. Oui, ces jeunes ont des limites certaines, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas heureux. Au fond, j'ai confiance.»

L'Est pour toujours, de Carole Laganière, est à l'affiche du Cinéma Parallèle dès vendredi. Info: www.cinemaparallele.ca