«Beaucoup de gens qui quittent Montréal vont habiter en banlieue, parce qu'ils ne trouvent pas de lieu où loger qui ne coûte pas une fortune. Mais ceux qui restent tentent de construire leur île au quotidien», exprime Jonathan Cha, chargé de cours à l'École d'architecture de paysage de l'Université de Montréal et doctorant en études urbaines.

Samedi prochain, Jonathan Cha guidera une visite dans la verte cité d'Outremont. Cette marche intitulée Histoire et paysage urbain d'Outremont sera l'une des quelque 27 activités de la Promenade de Jane Jacobs, un projet instauré par le Centre d'écologie urbaine.

Jane Jacobs ne sera pas de l'événement, pour la simple et bonne raison que cette philosophe de l'urbanité contemporaine née à Pennsylvanie en 1916 est décédée à Toronto, en 2006. Or, son esprit visionnaire quant au «vivre ensemble dans la cité» teintera ces promenades qui, selon le quartier arpenté, prendront chacune des couleurs différentes.

Samedi à 13h30, les promeneurs seront ainsi conviés à une «Rencontre avec des arbres remarquables du mont Royal». On pourra aussi découvrir un «Villeray en transition», par une découverte de commerces voués à l'alimentation locale.

«Jane Jacobs n'était ni urbaniste ni architecte, mais une auteure qui a été très active dans ces domaines. Son fameux livre Déclin et survie des grandes villes nord-américaines (publié en 1961) s'inscrit en réaction à l'apparition des banlieues.»

À une époque où les banlieues tentaculaires ont commencé à émerger, Jane Jacobs a réfléchi aux moyens de favoriser une vie de quartier au profit de la vie citoyenne. Découvrir l'oeuvre de Jane Jacobs - dont le dernier essai, Retour à l'âge des ténèbres, publié 2005, prédit cependant des temps austères pour les cités occidentales - offre un analyse éclairante sur les changements sociodémographiques qu'ont connus certaines grandes villes. Par exemple, il est pertinent de relire ce qu'elle écrivait dans les années 1960 à propos de certains quartiers comme Greenwich Village, pour saisir l'effet de l'embourgeoisement.

Les promenades du week-end prochain, indique Jonathan Cha, mettront en lumière certains aspects de l'urbanité montréalaise qui reflètent la pensée de Jane Jacobs. Pour cette dernière, la mixité, la densité, la masse critique, la diversité du bâti, l'éclectisme étaient autant d'éléments favorisant l'éclosion saine d'un quartier. À son avis, même si le quartier Outremont est un modèle positif d'écologie urbaine, la richesse économique n'est pas le seul gage d'épanouissement d'un quartier. «Dans des coins comme la Promenade Ontario ou Hochelaga, on retrouve des conditions urbaines intéressantes», fait valoir Jonathan Cha, qui cite les ruelles vertes, les projets de verdissement des ruelles et cours arrière et bien sûr l'explosion des BIXI, comme preuves de la santé de la vitalité urbaine à Montréal.

«Lors des visites, nous allons bien sûr évoquer la pensée et les critiques de Jane Jacobs face à la ville moderne pour ensuite susciter des discussions.»

Étalée sur deux jours (les 7 et 8 mai), la Promenade de Jane Jacobs touchera aux aspects sociaux, historiques ou urbains de Montréal et prendront diverses formes. L'organisme Audiotopie, par exemple, offrira une découverte «sensorielle» de ce secteur autour du métro Rosemont. «Nous allons faire une marche particulière, pour découvrir l'urbanité à travers les sens. Après un exercice d'écoute, nous allons discuter de ce que nous aurons entendu des éléments sur la ville, des interactions sociales, et de ce que nous aurons perçu quant à la configuration des lieux, de l'aménagement des espaces, des ambiances sonores...» explique Edith Normandeau, porte-parole pour Audiotopie, qui est une coopérative d'artistes et chercheurs sur les ambiances de la ville.

Véritable célébration de la marche en ville, la Promenade de Jane Jacobs existe depuis 2008. À ce jour, plus de 6000 marcheurs ont exploré 140 quartiers à travers le Canada. Pour obtenir plus de détails et l'horaire des divers parcours, consultez le site du Centre d'écologie urbaine www.ecologieurbaine.net