Elle est jeune. Elle est jolie. Elle écrit. Et surtout, surtout, elle écrit de son camion. Un cocktail parfait pour attirer l'attention.

Et ces jours-ci, on peut dire que Sandra Doyon, auteure de Je vous écris de mon camion, publié cette semaine aux éditions Goélette, a fait parler d'elle. Tout le monde se l'arrache. Littéralement. De Guy A. Lepage à Christiane Charette, en passant par Denis Lévesque et Paul Arcand, elle est partout.

Et pour cause. Jeune, délicate, elle ne ressemble en rien à l'image type et forcément caricaturale que l'on se fait du camionneur moyen. Avec ses chaussures roses, ses anneaux aux oreilles et sa laitue sur les genoux (qu'elle grignote au volant!), encore moins. Mais il y a plus. Car au-delà de détonner, Sandra Doyon écrit. Et pas n'importe quoi. On dirait presque de la poésie!

«Le camion est mon bureau, les routes de l'Amérique, mon territoire (...) La route m'absorbe, m'inspire, me fait de l'hypnose, et puis je compose.»

Cela fait 10 ans que la jeune trentenaire parcourt ainsi les autoroutes, entre Montréal, Toronto, Los Angeles et San Francisco. Dix années à faire 10 heures par jour en relais (oui, les camionneurs conduisent parfois à deux). Environ 300 000 km par an, pour un total de quelque 3 millions de kilomètres, soit 75 fois le tour de la Terre.

«Ma vie n'a rien d'ordinaire. Je déménage toutes les semaines», écrit-elle de sa «capsule spatiale».

Rien ne prédisposait pourtant Sandra au camionnage. Encore moins à l'écriture. À l'école, elle a plutôt étudié en tourisme. Mais les débouchés étaient maigres. Et les salaires encore plus. D'où sa décision, un beau jour, de suivre un cours de camionnage. Pour le «défi personnel», raconte-t-elle, autour d'un café, dans un bistro de son quartier. «Je voulais maîtriser cette grosse machine, apprendre à aller à reculons, atteler la remorque, et voyager partout.»

Au bout de deux années à faire ainsi «des marathons sur l'autoroute», elle maîtrise sa «bête», sa «belle baleine de 40 tonnes». Il lui faut un nouveau défi. De plus, la solitude commence à peser sur elle. D'où l'idée d'écrire. L'objectif? «Emmener les gens avec moi dans mon camion. Les emmener avec moi regarder le soleil se lever, se coucher, découvrir un champ de tournesols.»

Et c'est exactement ce qu'elle fait, d'abord sur son blogue (remarqué, entre autres, par Marie-France Bazzo), puis dans son livre, auquel elle a ajouté plusieurs notes et flashbacks de son passé. «Ma motivation, c'est de faire rêver les gens. Parce que moi, je rêve», dit-elle d'une voix douce.

Au fil des pages, on la voit ainsi s'émerveiller devant l'immensité, la chaleur du soleil, une fleur, un oiseau. Toujours, elle célèbre sa liberté. Vrai, reconnaît-elle, la beauté n'est pas toujours au rendez-vous. Dans un relais routier, la nuit, quand un collègue frôle la mort, il n'y a rien de bien joli. Mais ce quotidien moins rose, même si elle l'aborde, elle ne s'y attarde pas trop. «Moi, je suis anticynique. J'aime saisir les détails pour toujours m'émerveiller, explique-t-elle. Même si ce n'est pas dans l'air du temps nécessairement. L'émerveillement, ce n'est pas l'actualité. Ça n'a pas l'air important. On parle plutôt des nids-de-poule. Du pont Champlain. Rêver, on ne fera pas la une de La Presse avec ça!»

Et pourtant... Parions que c'est sa capacité de faire rêver qui explique précisément tout son succès.

Sandra Doyon, Je vous écris de mon camion, aux éditions La Goélette

Son blogue: camionneuse.blogspot.com