L'internet a vaincu presque tous ses rivaux dans le domaine de Cupidon. D'abord, il a eu raison de l'école et du voisinage. Ensuite, de la famille et des collègues. Il vient de dépasser les bars et les restaurants. Et il menace maintenant de surpasser les amis comme source de rencontres amoureuses.

Ces résultats d'une vaste étude américaine confirment ce que plusieurs soupçonnaient: de plus en plus de couples se forment grâce à l'internet en Amérique du Nord. Un sur cinq, en fait. Les amis intermédiaires, responsables de plus d'un couple sur quatre, sont encore plus prolifiques, mais la progression de l'internet est fulgurante.

«Avec la multiplication des sites de rencontres spécialisés (pour les catholiques, les sportifs, etc.) ainsi que la popularité des réseaux sociaux et des jeux en ligne, l'internet permet d'élargir ses horizons amoureux», explique en entrevue le sociologue Michael Rosenfeld, de l'Université Stanford, qui a dévoilé ses résultats à un congrès l'été dernier.

«Particulièrement chez les gens de plus de 50 ans, ceux qui ont accès à l'internet ont plus de chances de se trouver un partenaire, poursuit-il. Je me suis intéressé à cette question dans le cadre du débat sur l'impact de l'internet sur la vie sociale. Certains pensent qu'il remplace les contacts en personne et d'autres qu'il augmente la possibilité de se trouver des amis. Étrangement, à part des études française et néerlandaise qui datent, il n'y a rien sur la manière dont les couples se forment.»

En interrogeant 4000 personnes, dont 3000 étaient en couple, M. Rosenfeld a observé que les amis sont devenus la manière la plus fréquente de rencontrer un conjoint à partir des années 40, mais que cette filière a commencé à décliner avec le nouveau millénaire, parallèlement avec la montée de l'internet.

Les restaurants et les bars constituent la seule autre catégorie où les rencontres sont à la hausse, probablement parce que les gens qui se rencontrent par l'internet s'y donnent leur premier rendez-vous.

Après un suivi d'un an, le sociologue conclut que les couples formés grâce à l'internet sont aussi stables que les autres. Il espère pouvoir allonger son suivi jusqu'à cinq ans.

«L'internet permet d'augmenter le choix, donc de mieux filtrer, dit le sociologue californien. On rend le marché amoureux plus efficace. Et comme on n'a pas mis ses amis, sa famille ou ses collègues à contribution, il est plus facile de mettre un terme à une relation qui ne convient pas.»

Sites multiples... et originaux

Chose certaine, les possibilités de l'internet ne sont pas épuisées. Des sites de rencontre avec géolocalisation permettent depuis peu de savoir s'il existe des célibataires dans le quartier où l'on se trouve et de se donner rendez-vous dans un bar.

Skout, par exemple, nous indique qui est en chasse dans un rayon de trois ou quatre pâtés de maisons.

Alikewise se concentre sur les rencontres amoureuses littéraires. «Les livres qu'on lit sont un indicateur beaucoup plus fiable de notre personnalité que les films, la musique ou les activités», explique son fondateur, Matt Sherman.

À Réseau Contact, le site de rencontres le plus populaire au Québec, la directrice de produit, Cynthia Bélanger, explique qu'il y a pour le moment peu de sites spécialisés faits ici.

«Il y a un site pour les sportifs mais, pour le reste, les gens doivent aller sur les sites américains, dit Mme Bélanger. On voit que certains sites généralistes sont plus populaires auprès de certaines tranches d'âge. Chez nous, par exemple, la moitié des membres ont de 25 à 44 ans. Ça a toujours été comme ça.»

Réseau contact compte 1,3 million de membres depuis son ouverture, il y a 15 ans, dont 100 000 sont actifs. Un sur cinq est prêt à payer pour devenir «membre privilège», ce qui permet par exemple de savoir qui a consulté son profil.

Quels sont les trucs du métier? «Dès qu'une femme a une photo, elle reçoit plus de réponses, dit Mme Bélanger. Les hommes ont tendance à regarder la photo sans vraiment lire le profil. Alors que les filles, elles, font plus attention. Les fautes d'orthographe, c'est vraiment un éteignoir.»

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L'internet adultère

Au tournant du millénaire, l'avocat torontois Noel Biderman en voyait de toutes les couleurs avec ses clients, des sportifs professionnels. Nombre d'entre eux faisaient scandale en raison de leurs infidélités conjugales. Quand il a lu un article selon lequel le tiers des membres des sites de rencontres étaient en couple, il a senti une occasion d'affaires. En 2001, le site Ashley Madison (les deux prénoms de fille les plus populaires à l'époque) était né. Depuis, il a connu une croissance phénoménale, selon son fondateur: 8,5 millions de membres, dont une majorité d'hommes, 75% chez les plus de 50 ans. Me Biderman a inventé des outils pour l'adultère en voyage d'affaires.Par exemple, l'option «Man on the Go» permet d'envoyer un message aux autres butineurs de la région visitée. Il observe que, parmi ses membres, 100 000 hommes et 200 000 femmes sont en couple hétérosexuel mais cherchent une aventure homosexuelle. Devant les multiples accusations publiques dont il a fait l'objet - certains le soupçonnent même de financer des publicités qui le dénoncent sur des chaînes de télévision conservatrices -, il se défend en affirmant qu'il ne rend pas l'adultère plus fréquent, mais plus invisible et indolore.