C'est la lettre que personne ne devrait avoir à écrire. Jamais. Une lettre à son enfant, suicidé. L'artiste caricaturiste Éric Godin, lui, n'a pas eu le choix. Il l'a faite. Pour exorciser le mal. Mettre des mots sur sa douleur. Et donner une voix à son malheur. Une voix cassée. Souvent étouffée. Résolument déchirante. Âmes sensibles s'abstenir.

«Je t'ai bordé. Comme quand tu étais petit. Je voulais mourir. (...) Tous les lundis, j'étouffe.»

Sa voix tremble. On imagine les larmes couler. Cette Lettre à Vincent, comme elle s'intitule, publiée l'an dernier à la suite de cette fatidique journée de décembre 2009, vient d'être mise en musique et en images par Zilon, ami de la famille. C'est Éric Godin lui-même qui en fait la lecture, une lecture douce, sur un fond sonore saccadé, avec, en guise d'illustrations, les encres très fortes de Zilon.

«Depuis que tu es parti, l'enfer, c'est ici», poursuit le père, «anéanti». «Je suis amputé de toi. T'as fait un choix, c'est ton choix, mais je ne pourrai jamais l'accepter. Mon coeur est meurtri pour le reste de ma vie.»

L'oeuvre, coup-de-poing, ne se termine toutefois pas sur une note noire. Faisant preuve d'une force surhumaine, le père poursuit en ces termes: «Tu as été et tu seras ma respiration, mon inspiration (...). Mes doux souvenirs prendront le dessus sur le chagrin.»

Un message, sinon d'espoir, du moins de courage. Respect.

«Tu avais l'avenir devant toi, tu as choisi l'éternité. Repose-toi. Un jour, je viendrai.»

L'essai, l'original et sa nouvelle version interactive, lancés en collaboration avec l'ONF dans le cadre de la Semaine nationale de prévention du suicide, sont en ligne à l'adresse suivante: www.vincentgodin.com