Qui a dit que le téléphone ne servait plus qu'aux télémarketeurs qui appellent toujours à la mauvaise heure? Et si la personne au bout du fil ne voulait rien vous vendre, mais au contraire vous offrir, tenez-vous bien, des mots doux. Portrait d'un service surprenant, à mille lieues des courriels et autres textos: les compliments au bout du fil. Mise en garde: attention, ça surprend, mais finalement, ça se prend plutôt bien!

«Bonjour, j'aimerais parler à Christine, s'il vous plaît. Christine, je t'appelle pour te dire que tu es une personne extraordinaire. C'est un cadeau de la part de ta meilleure amie (ta fille, ton amoureux, ta voisine), qui voulait que je te dise à quel point tu mets du soleil dans sa vie. As-tu deux minutes pour recevoir tous ces compliments au bout du fil?»

Suivent une débauche de superlatifs, de formidable à exceptionnelle, en passant par unique, irremplaçable, bref, carrément géniale. Le tout, avec beaucoup de fous rires, parfois des larmes, souvent, on s'en doute, de l'étonnement. Et puis bien sûr, cela s'impose: des explications. Qui diable appelle ainsi pour vous lancer des fleurs? Est-ce une blague?

La réponse est non, ce n'est pas une blague. Au contraire. C'est du sérieux. Du professionnel, même. La société flatterme.ca, qui lance ces jours-ci la version française de son service original, complimentemoi.com, est derrière l'appel. En bref, pour 5$, vous pouvez envoyer un message de compliments à la personne de votre choix, où qu'elle soit sur la planète. Qu'il s'agisse de votre mère, votre conjoint, votre collègue, pourquoi pas une rencontre récente, tout est possible. Il suffit de donner quelques détails sur la personne et les compliments suggérés (une mère exceptionnelle, un amant hors pair, un employé des plus fiables, une très heureuse rencontre...) et le tour est joué. L'appel sera réalisé. À la plus grande surprise, on s'en doute, du complimenté.

L'idée, pour le moins inusitée en cette ère de cartes électroniques et autres messages sur des murs virtuels, est née d'un constat. La jeune trentenaire Miriam Glassman, de Montréal, en avait assez. Assez d'un job trop sérieux en marketing, assez du stress d'un boulot exigeant, assez des heures passées dans les bouchons matins et soirs. Elle était mûre pour un changement.

«J'avais passé une journée folle à «brainstormer» avec des amis. Je m'arrachais la tête dans ces séances de brainstorming! Et puis on m'a dit comme ça: «Miriam, tu adores parler au téléphone, tu parles tout le temps, tu rends les gens heureux.» Et voilà, l'idée était née!»

Partie d'une simple boutade, donc, l'idée a fait du chemin, pour se concrétiser en véritable petit plan d'affaires. Et quatre mois plus tard, non seulement l'affaire marche, mais elle fait jaser aux quatre coins du monde, de la Californie à l'Italie, en passant par... la Russie! À tel point qu'après avoir lancé la version française du service, Miriam songe à se trouver un partenaire hispanophone, pour desservir l'Espagne et l'Amérique latine. Qui a dit que la galanterie, le savoir-vivre et la bonne vieille gentillesse se perdaient?

«Moi, j'aimais l'idée, dit-elle. Je savais que d'autres personnes embarqueraient. C'est tout simplement une nouvelle manière marrante de reconnaître les qualités d'une personne. À la fin de la journée, je me sens tellement bien. J'ai passé mon temps à rire au téléphone et à rendre les gens heureux. Tout ça de chez moi. C'est le rêve!»

N'empêche qu'une question se pose: pourquoi passer par un tel service et pas appeler soi-même, directement, la personne à complimenter? «J'espère bien que, dans leur vie, mes clients appellent aussi leurs proches pour leur dire du bien. Moi, ce que j'offre, c'est juste une autre façon de le dire, une surprise! Cela a un autre impact. Tout est dans la surprise. Les gens sont vraiment sous le choc, dit-elle. Ce qui plaît, c'est que c'est amusant, personnalisé et nouveau.» Et non, elle n'a pas l'impression de jouer la comédie. «Je me vois plutôt comme une messagère, rétorque-t-elle. Il y a beaucoup de bonnes personnes, et si quelqu'un veut les complimenter, elles méritent de l'entendre.»

Pour elle, la meilleure réaction est évidemment le fou rire. C'est d'ailleurs son but: faire rire les gens. Parfois, certains en pleurent de bonheur. D'autres, et c'est plus rare, demeurent sans mot. Impossible, dans ce cas-ci, de connaître leur réaction. Chose certaine, personne ne lui a jamais raccroché au nez.

Une journée heureuse

Pour en avoir le coeur net, nous avons passé une petite journée avec Miriam, à la voir planifier ses appels (souvent concentrés autour de 13h, l'heure idéale pour appeler en Californie ou sur la côte Ouest, en Europe ou à Montréal). Vrai, les demandes de compliments finissent toutes par se ressembler. Et les appels semblent du coup un poil redondants. Quelques surprises, tout de même: le succès de son offre de services dans le monde des affaires (un patron qui félicite une équipe, une troupe de théâtre qui envoie un message d'encouragement à tous ses comédiens), quelques demandes d'appels d'excuses («Oui, c'était un peu bizarre, se souvient-elle d'un petit rire gêné, d'appeler au nom d'un gars qui s'excusait auprès de sa blonde. Pas sûre qu'elle ait apprécié!»), quelques coups de fil du père Noël pendant les Fêtes, même des demandes d'autocomplimentation!

«S'il y a des gens qui ont besoin d'un petit coup de pouce, ce n'est pas à moi de les juger. Mon but, c'est de les rendre heureux. Vous savez, moi, j'ai de la chance, je suis entourée de mes proches, de mes amis. Mais il y a des gens très isolés.»

Flatterme.ca a tout de même ses limites. Miriam ne fait pas d'appels de rupture, encore moins de coups de fil injurieux ou obscènes («Ces services existent déjà ailleurs!»). Son service à elle se résume à une chose: «Que les gens se sentent bien! Ça me ressemble tellement...»

Verdict? Difficile de savoir ce qu'en pensent les complimentés, puisque Miriam ne peut pas se permettre de faire de suivi (dans les périodes très occupées, elle a une bonne centaine d'appels par jour à faire). Nous avons donc testé le service auprès d'une amie. Une amie adorée, qui ne vit malheureusement pas en ville. «Je viens de recevoir le coup de fil le plus incroyable! Tu es trop gentille, moi aussi, je t'adore!» nous a-t-elle écrit aussi sec. «Une fois remise du choc, j'ai vraiment trouvé ça cool, a-t-elle ajouté, une fois mise au fait du concept. Oui, j'adore. Ça a vraiment été une belle surprise. Elle est payée pour faire ça? Trop cool.»