Âgés, rétro, vintage, aînés... Appelez-les comme vous voulez, les vieux revendiquent ces jours-ci le respect, la dignité et leurs 15 minutes de délinquance. Le magazine Urbania consacre son dernier numéro aux têtes blanches. La chaîne Couche-Tard réhabilite la bonne vieille saveur de «paparmane» avec une campagne de pub à l'esthétique «grisonnante». Aux États-Unis, l'actrice octogénaire Betty White a fait fureur à Saturday Night Live le mois dernier et multiplie les apparitions dans les séries télé les plus populaires. Hommage ou éveil subit d'une société qui ferme les yeux sur le passage du temps?

«Réfléchir sur les vieux, c'est aussi s'interroger sur les jeunes», lance Catherine Perreault-Lessard. Depuis quelques semaines, la jeune rédactrice en chef d'Urbania baigne dans l'univers du Géritol, de l'alzheimer, des airs de Michel Louvain et des photos jaunies. Et pour cause: Urbania consacre son nouveau numéro - qui arrive en kiosque aujourd'hui - à la vieillesse.

 

Cool, les octos?

«À Urbania, on s'intéresse aux histoires et on aime retourner dans le passé. Les vieux nous intéressent, parce qu'ils se livrent sans retenue et parlent avec leur coeur. Ce numéro nous a amenés à réfléchir sur ce que sera notre génération plus tard: serons-nous des vieux cool ou des vieux grincheux? Quel genre de bagage aurons-nous? Les vieux d'aujourd'hui sont des baby-boomers qui ont été très militants, qui par exemple se sont battus pour le droit à l'avortement. Aujourd'hui, on sabre leurs acquis», réfléchit Catherine Perreault-Lessard, qui affiche sur son profil Facebook une photo d'elle «vieillie» par l'application HourFace pour iPhone.

Tous les journalistes qui ont collaboré à ce «spécial vieux» d'Urbania ont été un peu changés, bouleversés mais surtout nourris par ces rencontres avec les aînés de notre monde, souligne la rédactrice en chef. L'un d'entre eux a dû jouer les infirmiers et aider son interlocuteur à se rendre aux toilettes pendant l'entrevue. «Il est revenu traumatisé par l'expérience et a calé trois verres de rhum», raconte-t-elle.

«On a l'image du vieux cool qui prend sa retraite dans un vignoble au Périgord. Mais la réalité, c'est aussi les vieux dans les CHSLD et les blagues sur le manger mou. Mais où est la zone de gris?» poursuit Catherine Perreault-Lessard, qui a aussi envoyé ses journalistes rencontrer de vieux sportifs, de vieux militants, de vieux rebelles, un survivant de l'holocauste... L'une des journalistes a même poussé l'expérience jusqu'à se déguiser en vieille le temps d'une journée, pour comprendre le regard que pose la société sur les aînés.

«Paparmane» et autres délices surannées

La chaîne Couche-Tard, qui depuis quelques années a recours à des concepts publicitaires subversifs pour vendre sa Sloche, vient de lancer un nouveau parfum pour sa boisson glacée, baptisé «Paparmane».

Simon Beaudry, de l'agence Bos, a conçu cette campagne déclinée dans plusieurs médias, qui exploite sans gants blancs le thème de la vieillesse. Tout comme Catherine Perreault-Lessard, Simon Beaudry est captivé par le sujet du temps qui passe. En plus d'assurer la direction artistique de la page couverture du dernier Urbania, il planche sur un projet de court métrage qui portera sur la vieillesse.

«On a des enfants, on les voit grandir, ils vomissent, ils apprennent à marcher. Pendant ce temps, les personnes âgées ont les mêmes besoins, mais on s'en fout. Ils sont «parqués» dans des centres, on dirait qu'on ne veut pas les voir», lance le concepteur de la campagne Paparmane. «L'idée était de réactualiser un vieux goût, en partant du mot «paparmane».» La campagne d'affichage montre par exemple des visages d'enfants aux traits vieillis et aux cheveux blanchis. Sur le site web de Sloche, les internautes peuvent choisir un corps, y mettre leur photo et subir une métamorphose qui leur donne 50 ans de plus.

Entre la jeunesse et la sagesse

Des personnes âgées, Laura Lacoste en côtoie chaque semaine dans son travail de clown thérapeutique dans les CHSLD. Avec le temps, cette Dre Clown a fini par tisser des liens d'amitié avec ces patients atteints de démence ou d'alzheimer, qui portent en eux une délinquance bien assumée.

«À l'un des centres que je visite chaque semaine, il y a une dame qui a beaucoup de classe et de culture. Quand je lui récite de la poésie, son regard s'illumine et elle hoche la tête. J'ai appris qu'elle était une artiste qui avait peint toute sa vie.»

Mais existe-t-il une zone de vieillesse, entre la retraite flyée ou les «jeunes» de 89 ans comme Janine Sutto (rédactrice en chef invitée du dernier Urbania) et l'alzheimer ou la démence qui se cachent dans les CHSLD?

C'est ce qu'a essayé de capter Jean-François Caissey dans son documentaire La belle visite. Pendant deux ans, le jeune cinéaste de 32 ans originaire de Saint-Omer, en Gaspésie, a suivi le quotidien d'un motel de la région converti en résidence pour personnes âgées. «Il y avait quelque chose d'apaisant et d'un peu étrange dans ce lieu. On sent que le temps s'y est arrêté», dit le documentariste, qui a côtoyé la mort de près pendant ces deux ans de tournage.

«J'ai vu des gens qui partaient, des nouveaux qui arrivaient, la vie qui continuait. Cela m'a rendu plus serein face à la mort et à la vieillesse.»

Jeunes ou vieux, cool ou pas, c'est pareil: on s'en va tous au même endroit!