L'usage de drogues illicites (cannabis, cocaïne, etc) se développe dans l'entreprise et aucune catégorie socioprofessionnelle n'est épargnée, mais le phénomène est difficile à appréhender et le dépistage, peu répandu, pose des problèmes de respect de la vie privée.

«La consommation augmente dans l'entreprise comme dans la société», selon Paul Frimat, professeur de médecine du travail, qui a ouvert vendredi à Paris des «Assises nationales» sur les «drogues illicites et risques professionnels».

L'alcool et les médicaments restent cependant les principaux produits susceptibles d'altérer la vigilance des salariés, précise-t-il.

En 2006, une enquête révélait que 23% des médecins du travail avaient constaté une augmentation de la consommation de drogue au travail.

Selon Colette Ménard, de l'Institut de prévention et d'éducation pour la santé, le cannabis est la drogue illicite la plus consommée chez les actifs. D'après une enquête de 2005, 30% l'ont expérimentée et 7% en avaient consommé dans l'année.

Les autres drogues les plus consommées, mais à degré moindre, sont les poppers, l'ecstasy et la cocaïne.

«Toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées», mais certains métiers le sont davantage, comme les transports routiers, les professions médicales, l'hôtellerie-restauration, ou la construction, selon Mme Ménard.

Plus que la consommation, c'est l'addiction qui inquiète: «550.000 personnes ne peuvent commencer leur travail sans fumer un joint», affirme Didier Brassart, de la Direccte (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence et de la Consommation, du Travail et de l'Emploi) des Pays de la Loire.

Selon la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, près de 15% à 20% des accidents professionnels, de l'absentéisme et des conflits au travail sont liés à l'usage d'alcool, médicaments ou stupéfiants.

Le stress et les contraintes professionnelles peuvent provoquer des conduites addictives.

«Certains prennent de la cocaïne pour améliorer leur vigilance et répondre à la sollicitation de l'entreprise, d'autres du cannabis pour faire baisser la pression», remarque Pierre-Yves Montéleon (CFTC).

Les études montrent que la consommation de produit altérant la vigilance est la plus importante sur les postes dit «de sûreté et de sécurité», comme chauffeur de poids-lourd, pilote d'avion, conducteurs de train.

Dans le rail ou l'aérien, des dépistages sont obligatoires pour ces postes. La SNCF mène chaque année 200.000 tests urinaires avec un résultat positif de 0,8% (surtout au cannabis), explique François Wallach, chef du département prévention et santé au travail.

La date du test étant connue, les salariés peuvent modifier leur usage en conséquence. «Ceux qui nous intéresse ce sont ceux qui ne maîtrisent plus leur consommation» et qu'il faut alors déplacer sur des postes moins risqués, explique-t-il.

Mais ce dépistage a un coût (20 millions d'euros par an pour la SNCF) difficile à assumer pour les petites entreprises.

L'employeur, qui a une obligation de sécurité vis-à-vis du salarié, a d'autant plus de mal que ces tests urinaires ou salivaires, constatent une consommation, pas une addiction.

«Ils posent aussi le problème du respect de la vie privée, -si le salarié se drogue hors de l'entreprise-, et du secret médical», note Etienne Appaire, président de la Mildt.

Selon une étude, 69% des DRH sont favorables aux tests, mais pour Paul Frimat, seuls les médecins du travail doivent les réaliser.

Reste que ce sont quand même les chômeurs et les précaires qui consomment le plus de produits illicites, d'alcool et de médicaments.