Grand et svelte, Yvon Castaing, 78 ans, n'est pas un papy ordinaire : il est mannequin professionnel et a entamé cette seconde carrière il y a 15 ans après avoir pris sa retraite.

La publicité ne s'intéresse en général qu'aux jeunes, voire aux très jeunes. Mais les hommes et les femmes des pays occidentaux vieillissant de mieux en mieux, les mannequins de plus de 60 ans -- et même parfois de bien plus de 60 ans-- se révèlent désormais rentables pour les marques.

Yvon Castaing a l'allure du parfait gentleman. Il porte une chemine à fines rayures bleues assorties à ses yeux. «Je suis un dandy, je le reconnais volontiers», dit-il de façon un peu désarmante. Né dans une famille nombreuse en 1932, Yvon Castaing trouve sa voie chez Hermès où il s'occupe de la vente des parfums.

«J'étais un bon vendeur», assure-t-il en souriant. «C'est la raison pour laquelle j'aime bien être mannequin, car il faut savoir se vendre».

Sa nouvelle carrière débute en 1994 grâce à une rencontre avec Béatrice Costantini, directrice de l'agence parisienne Di, spécialisée notamment dans les seniors.

«Quand j'ai ouvert l'agence, il y avait une forte demande pour le genre grand-mère -- des petites dames aux cheveux gris confectionnant gâteaux et confitures», explique Béatrice Costantini.

«Mais au fil des années, la mamie s'est révélée de moins en moins fidèle au stéréotype. Les gens veulent maintenant des seniors dynamiques et en forme,» poursuit-elle.

En fait, avoir des rides ne semble plus tabou. «Il y a vraiment un marché pour les seniors de nos jours», affirme Béatrice Costantini. Son agence compte plus de 500 modèles dans la catégorie «éternelle jeunesse».

Comme dans beaucoup de pays riches, 30 pour cent de la population française a plus de 55 ans, alors les pubs traditionnelles pour le 3ème âge, façon monte-personne à installer dans son escalier ou nouvelle colle révolutionnaire pour prothèse dentaire, n'ont plus la cote.

Françoise de Stael, 78 ans elle aussi, est l'une des stars du mannequinat senior. Elle témoigne aujourd'hui de l'envolée de ce secteur de plus en plus concurrentiel.

«Il faut se battre tous les jours pour garder sa place dans ce milieu», assure-t-elle. «Il y a un nombre limité d'occasions et il y a de plus en plus de gens qui se présentent aux castings, certains ont même à peine 50 ans».

Ancien mannequin de mode, Françoise de Stael assure qu'en dehors de l'argent «c'est bon pour le moral».

Mais la pub à l'âge de la carte vermeil a parfois ses dangers: «J'ai fait une séance de photos le jour de mes 60 ans, et on m'avait demandé de sauter au trampoline», se souvient Yvon Castaing. «Je l'ai fait mais ça n'a pas été facile et je m'en suis sorti avec une bonne inflammation du genou».

«Parfois, on nous demande de faire des trucs idiots pour donner une image dynamique des seniors, capables de faire comme les jeunes», ajoute Françoise de Stael.

Paradoxalement, poser à 70 ans et plus les a éloignés l'un et l'autre d'un certain egocentrisme. «J'étais très narcissique. Mais à un moment, on réalise vraiment que la beauté, c'est juste une affaire de peau», explique Yvon Castaing, qui résume ainsi sa philosophie actuelle : «Etre jeune, c'est dans la tête». Ce qui ne l'empêche pas de nager et de faire du vélo tous les jours.