Jadis chasse gardée masculine, de plus en plus de femmes prennent désormais la carabine, pour partir fièrement dans le bois. Sans gêne ni scrupule, elles chassent la perdrix, le caribou, l'orignal, et pourquoi pas... l'ours!

L'ours? Symbole de puissance s'il en est un, l'immense mammifère n'est pas encore un gibier très populaire au Québec. Est-ce parce qu'il en effraie plusieurs? Ou tout simplement parce qu'on connaît mal sa viande, longtemps jugée, à tort, comme non comestible?

 

Chose certaine, ça risque fort de changer. Déjà, les Américains viennent ici en grand nombre pour le traquer. Pour eux, une peau d'ours, c'est un véritable trophée.

Et tranquillement, la bête commence à faire des adeptes ici aussi. Et pas n'importe lesquelles. À la fin du mois de juin, et pour la deuxième année consécutive, un groupe de femmes en quête de nouveaux défis se réunit dans l'Outaouais pour une fin de semaine d'initiation à la chasse à l'ours. Objectif? Combattre leurs peurs, grâce à une initiation aux techniques de sécurité et de chasse de cette «grosse bête noire».

«Avant de le chasser, les gens ont très peur de cet animal-là. L'ours, c'est la grosse bête noire. Un animal un peu imprévisible, qu'on ne voit pas facilement, et qui a tendance à nous surprendre», explique Hélène Larente, instigatrice de ce programme de chasse au féminin, en collaboration avec la Fédération des chasseurs et pêcheurs de l'Outaouais et la ZEC Dumoine.

Hélène Larente chasse depuis qu'elle a 12 ans. Avec son père. Elle a d'abord commencé par les lièvres, puis le cerf de Virginie, l'orignal, et enfin l'ours, il y a quelques années, une hiérarchie assez usuelle dans le monde de la chasse. «Mon premier ours, je m'en souviendrai toujours», raconte-t-elle. C'était en 2001. Avec un ami, elle se retrouve dans un champ de maïs où, paraît-il, l'ours aime se manifester. «Nous n'étions pas dans un mirador, mais au sol, à la bordure du bois.» Habituellement, à la chasse à l'ours, on place un appât (une moulée à base de fruits et de mélasse) dans un lieu donné, puis on se cache sur une plateforme en bois, accrochée en haut d'un arbre. «Mais nous, on chassait au sol, c'était stressant! Je me demandais si je n'allais pas avoir le buck fever! (Dans le jargon: figer, et être du coup incapable de tirer.)» Ce jour-là, finalement, le fameux ours ne s'est jamais manifesté. Il a fallu revenir le lendemain pour qu'il apparaisse enfin. «Et là, j'ai tiré. Il s'est retourné, puis est reparti dans la direction d'où il était venu. Ensuite, on a entendu un gros bruit de branches. Il était tombé.» Raide mort. Du premier coup. «En moins d'une heure, ma chasse était faite», raconte-t-elle, pas peu fière.

À ce jour, elle a tué trois ours, sans jamais connaître de mésaventure. Et c'est une chance. Car elle en a entendu de toutes les couleurs. «J'ai entendu des chasseurs raconter qu'ils étaient cachés dans un arbre, et que l'ours était venu brasser leur échelle!» raconte-t-elle en riant.

D'où l'importance des consignes de sécurité, qu'elle donne dans le cadre de sa formation: devant une mère et ses petits, on ne tire pas; on porte toujours des vêtements de camouflage; et surtout jamais, jamais de parfum. «C'est un animal qui a un nez très développé!»

La Fédération des chasseurs et pêcheurs du Québec le confirme: jadis une affaire d'hommes, la chasse est de plus en plus une affaire de famille et... de femmes! Dans les cours de formation, les femmes représentent 25% des nouvelles initiées, et ce, année après année. Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune vend désormais 11% de ses permis à des femmes.

«Les nouveaux adeptes aiment se retrouver en nature pour se ressourcer, commente Alain Cossette, directeur général de la Fédération des chasseurs et pêcheurs. Ce sont des gens qui aiment une viande de qualité, qui n'a pas été engraissée aux hormones. Une viande de goût!»

Hélène Larente le confirme: «Je suis chanceuse de manger cette viande naturelle-là, pas boostée ni maltraitée. C'est de la viande bio, que je récolte moi-même!»

 

Chasser l'ours: le rêve d'une ado

C'est son rêve le plus cher. Du haut de ses 16 ans, toute menue, Alexandra Mathieu, de La Tuque, rêve de tuer un ours. Son ours. «Quand j'ai fini mon cours, avec une de mes amies, on s'est dit: il faut vraiment qu'on se trouve un ours!» raconte la jeune fille. Ce printemps, dès le mois prochain, elle prévoit partir à la chasse avec son père. «Si je n'en récolte pas, ça ne me démoralisera pas. Au moins, j'aurai passé du bon temps dans la nature avec les gens que j'aime», dit-elle.

Alexandra a joué du piano, fait de la danse, même du chant. Mais depuis quelques années, son dada à elle, c'est la chasse. Ne lui demandez pas pourquoi, c'est comme ça. «Elle en mange, confirme son père, Serge Mathieu, en riant. Elle est dure à lever le matin pour aller à l'école, mais si c'est pour aller à la chasse avec moi à 4h du matin, là, elle est prête!»

Pour chasseuses en herbe

Vous avez jusqu'au 30 avril pour vous inscrire à une fin de semaine initiatique entre femmes. Du 24 au 27 juin, les intéressées se retrouveront à la pourvoirie de la ZEC Dumoine, en Outaouais, pour quatre jours de formation aux techniques de sécurité et de chasse à l'ours. Coût: 400$, ce qui comprend hébergement, droits de chasse sur le territoire, équipement nécessaire, repas et transport (à partir de Gatineau). Le programme est offert aux femmes de 18 ans et plus, avec certificat de chasseur ou permis d'initiation. Maximum: 10 participantes.

Inscription et renseignements: cerfemme@hotmail.com

Photo: fournie par Serge Mathieu

Alexandra Mathieu, 16 ans, rêve de tuer un ours.