On évoque souvent les affres que vivent les hommes roses snobés par des femmes avides de virilité. Mais quand les économistes se penchent sur la question, les résultats sont clairs: les hommes ont beaucoup mieux vécu les chambardements des rôles sexuels traditionnels.

Depuis deux décennies, l'indice de bonheur des hommes augmente plus vite que celui des femmes.

«Traditionnellement, les femmes étaient plus heureuses que les hommes», explique Betsey Stevenson, du Bureau national de recherche économique des États-Unis, qui vient de publier une étude basée sur 40 ans d'études sur le bonheur aux États-Unis et en Europe. «Mais cela a récemment changé. Aux États-Unis, l'indice de bonheur des femmes baisse régulièrement depuis les années 90, alors que celui des hommes reste inchangé. En Europe, les indices des deux sexes augmentent, mais celui des hommes grimpe plus vite, et il est passé devant celui des femmes.»

Toutes catégories

La tendance touche toutes les catégories socioéconomiques: couples mariés ou non, riches et pauvres, décrocheurs et détenteurs d'un diplôme universitaire. «Il est très difficile de déterminer exactement quel est le problème, mais il est clair que la transformation des rôles traditionnels est plus difficile pour les femmes que pour les hommes, même si ces derniers semblent être ceux qui ont le plus à perdre.»

L'économiste, qui enseigne à l'Université de Pennsylvanie, propose cinq hypothèses. «On sait qu'auparavant, le bonheur des femmes était très étroitement lié au bonheur conjugal. Ce n'est plus le cas. Peut-être y a-t-il des facteurs de stress dans les couples qui affectent davantage les femmes que les hommes. Deuxièmement, on voit très clairement, dans les sondages sur les jeunes adultes, que les femmes se plaignent de ne pas avoir de temps libre, de temps pour s'amuser, mais qu'en même temps elles veulent être des exemples à la fois en tant qu'épouse, mère et travailleuse. Troisièmement, il se pourrait que la baisse de la cohésion sociale, l'éclatement des réseaux sociaux traditionnels affecte plus les femmes que les hommes. Enfin, il est possible que les femmes soient moins tolérantes de ce qui reste en matière de discrimination sexuelle, ou tout simplement qu'elles soient plus à l'aise de parler de leur insatisfaction. En d'autres mots, que le malaise silencieux de la banlieue dont parlait Betty Friedman est maintenant sur la place publique.»

Les hommes tirent-ils une satisfaction quelconque de leur bonheur quand ils voient les femmes de plus en plus insatisfaites? «C'est certain que les hommes doivent s'en rendre compte, au moins inconsciemment, dit Mme Stevenson. Ça peut renforcer leurs sentiments positifs. Mais c'est une relation impossible à calculer, les deux tendances sont inextricables.»