Après avoir jonglé avec cette possibilité pendant des décennies, le gouvernement de la Colombie-Britannique a porté, en janvier, des accusations contre deux polygames de Bountiful: Winston Blackmore, qui a conclu un «mariage céleste» avec une vingtaine de femmes, et James Oler, marié à deux femmes.

La poursuite est fondée sur l'article 293 du Code criminel, qui interdit «toute forme d'union conjugale» avec plus d'une personne à la fois.

 

«En retard sur la réalité»

Cette disposition qui date de la fin du XIXe siècle est terriblement en retard sur la réalité, souligne Susan Drummond, professeure à l'Osgoode Law School de l'Université de Toronto. «Aux yeux de la loi, je suis polygame», a-t-elle écrit dans un article publié dans le Globe and Mail.

Comment cela? Parce que Mme Drummond, séparée de son premier conjoint dont elle n'a jamais vraiment divorcé, a une «forme de vie conjugale» avec un autre homme. Techniquement, elle est bigame!

Cette juriste qui se définit comme féministe croit que cela ne sert à rien de jeter Winston Blackmore et James Oler en prison simplement parce qu'ils ont enfreint la loi qui interdit la polygamie.

Si on démontre qu'ils sont coupables d'abus sur des femmes mineures, c'est une autre paire de manches. Mais pas la peine de faire appel à des lois contre la polygamie pour les traduire devant la justice. Selon elle, la polygamie comme telle devrait être décriminalisée.

«Il y a d'autres façons de protéger les femmes qui vivent dans des mariages multiples que de les menacer de prison», ajoute-t-elle.

Opposée

Ce n'est pas l'opinion de l'ancienne juge de la Cour suprême Claire L'Heureux-Dubé, qui s'est dite opposée à la polygamie lors d'une rencontre avec des parlementaires québécois, en mars. «Le mariage, c'est l'union entre deux personnes, point. La polygamie va à l'encontre de l'égalité entre hommes et femmes», a-t-elle dit.

Winston Blackmore n'a jamais nié avoir conclu tous ses «mariages célestes» qui, en passant, ne sont pas reconnus par l'État. Selon son avocat, Joe Arvay, il compte plaider non coupable, en faisant valoir que la prohibition de la polygamie est contraire à la Constitution.

Du bonbon pour la Cour suprême qui, selon toute probabilité, finira par hériter de ce dossier.