Exaucer le voeu de son fils récemment décédé d'avoir un enfant: c'est le combat d'une mère américaine, Missy Evans, qui a obtenu du juge l'autorisation de conserver le sperme de cet homme de 21 ans. Mais l'affaire soulève de nombreuses questions d'ordre éthique.

Missy Evans a recueilli le sperme de son fils mort. Elle espère trouver une mère porteuse et élever un jour son petit-fils ou sa petite-fille. Sa décision soulève de nombreuses questions, soulignent les spécialistes d'éthique, dont l'un parle d'un «enfant de remplacement». Mais Missy Evans se moque bien de ce que pensent les gens car «il m'aurait tellement aimée de faire ça», dit-elle.

Selon la police d'Austin, Nikolas Evans est mort le 5 avril, après s'être heurté la tête au sol lors d'une bagarre de rue. Des enquêteurs recherchent toujours qui l'a frappé.

Un médecin lui ayant avoué qu'on ne pouvait plus rien faire pour le jeune homme, Missy Evans a eu l'idée de recueillir son sperme. Elle en a discuté avec son ex-mari, le plus âgé de ses fils et le reste de la famille, qui d'après elle la soutiennent tous dans son désir de continuer à faire vivre une partie de Nikolas à travers sa future progéniture.

Mrs Evans, qui est âgée de 42 ans, affirme que Nikolas lui avait dit un jour vouloir trois fils et avoir déjà choisi des prénoms. A l'en croire, c'était un garçon «à l'ancienne», intéressé par la réalisation de films, la politique, la musique et les vieux films. «Mon fils voulait obtenir son diplôme universitaire. Il voulait des enfants. Et quelqu'un l'a privé de tout ça», déclare la mère, originaire de Bedford, quelque part entre Dallas et Fort Worth.

Mais elle a dû se rendre au tribunal pour obtenir la permission de récupérer le sperme de son fils. Le tribunal de Travis County lui a donné le feu vert et a ordonné à la morgue de conserver le corps à une température d'au moins 39,2 degrés pour qu'un spécialiste procède au prélèvement.

Une urologue d'Austin s'est portée volontaire et a recueilli du tissu testiculaire mercredi soir. D'après Mrs Evans, qui étudie maintenant les conditions de conservation, la quasi-totalité du sperme était viable.

De telles décisions doivent être prises rapidement, ce qui laisse peu de temps aux proches pour réfléchir, souligne un spécialiste de l'éthique. Et utiliser le sperme soulève des questions. «Le père biologique de cet enfant sera mort. La mère peut être une donneuse d'ovule, anonyme ou une mère porteuse», explique Tom Mayo, directeur du centre Maguire d'éthique et de responsabilité publique, à l'Université méthodiste du Sud. «Pour un enfant, c'est une façon difficile de venir au monde. Quel effet cela aura-t-il d'être un enfant de remplacement?».

Selon lui, le désir de remplacer un enfant mort est un scénario classique qui, dans ce cas, prend une tournure inhabituelle. «Le désir sous-jacent doit être très fort, même si elle ne le décrit pas de cette manière», ajoute-t-il.

Art Caplan, président du département médical d'éthique, Université de Pennsylvanie de Philadelphie, estime à environ un millier ces dix dernières années le nombre de demandes de ce genre provenant d'épouses, de mères, de petites amies et d'autres aux Etats-Unis, mais la plupart du temps «ce n'est finalement pas utilisé».

Les hôpitaux peuvent s'être dotés de protocoles pour traiter de ces questions, mais il existe peu de lois ou de consignes à ce sujet, et il revient généralement à l'urologue de décider, dit-il.

«C'est rare pour un enfant de naître du sperme d'un homme mort», constate pour sa part Melissa Brisman, avocate au comité consultatif de l'Association américaine de fertilité. «C'est une mort inattendue qui fait intervenir des tonnes d'émotions, on ne sait même pas si on veut le faire.»

Mark Vopat, professeur de philosophie et d'études sur la religion à l'Université d'État de Youngstown dans l'Ohio, se demande si le tribunal a eu raison de satisfaire à la demande de cette mère. Selon lui, bien qu'ayant fait part de son désir d'enfant à sa mère, Nikolas Evans n'aurait pas souhaité avoir un enfant posthume. «C'est un cas dérangeant», souligne-t-il.

Missy Evans ne sait pas encore quand elle sera prête pour chercher une mère porteuse. «Ca va probablement me ruiner, mais je ferai tout ce que je peux pour que cela se fasse», affirme-t-elle.