L'Église catholique est dans les gènes des Québécois, pense Luce Des Aulniers, spécialiste des croyances entourant la mort à l'UQAM. « Il y a pas si longtemps, c'était grâce à l'Église que le caractère québécois subsistait, dit-elle. Il reste des traces de ce lien. L'idée que le Québécois moyen se fait de la vie après la mort est plus floue que dans la religion catholique, mais il y a des similitudes. On imagine des retrouvailles avec des proches décédés, pour que la solidarité des vivants se poursuive au-delà de la mort. Il y a aussi un sentiment de béatitude, comme quand on dit «elle est bien mieux là où elle est». «

La chercheuse constate que beaucoup de gens endeuillés conservent un lien ésotérique avec leurs morts. « Ils n'en parlent pas de peur de faire rire d'eux, mais beaucoup de gens parlent à leurs morts, leur demandent de les aider, de les protéger. On a perdu les actions faites au bénéfice des morts, mais il est resté ce qui est au bénéfice des vivants. «

 

Ce malaise est peut-être un relent de la rectitude de certains réformistes de l'Église dans les années 60, qui voulaient se débarrasser de la piété populaire, des processions et des intercessions. Plus récemment, le théologien catholique italien Vito Mancuso a publié un vigoureux réquisitoire en faveur de la croyance à l'existence de l'âme et où la question de la vie après la mort n'occupe pas une position centrale. Selon lui, l'immortalité de l'âme n'est pas un concept fondamental pour prouver son existence.

« Il y a parfois un malaise devant l'affectivité, la fantaisie, les croyances, ajoute Mme Des Aulniers. Mais nous ne sommes pas des êtres entièrement rationnels, et surtout pas entièrement transparents face à nous-mêmes. «

Le chercheur albertain Reginald Bibby, qui a amassé l'une des plus importantes bases de données sur la religion au pays, croit lui aussi que, s'ils n'osent pas le dire tout haut, les Québécois demeurent attachés à l'Église catholique. Selon lui, l'Église catholique pourrait donc regagner une bonne partie de ses ouailles si elle s'adaptait au mode de vie actuel des Québécois.

Le sociologue Raymond Lemieux est plutôt d'avis que le rite funéraire ne persistera pas. « C'est simplement un réflexe qui va aller en s'amenuisant, dit-il. Je pense que l'Église a encore une place au Québec, mais c'est davantage dans l'action sociale, l'accompagnement des immigrants, des malades, dans des actions peu ritualisées. «