Ils ont voulu changer le monde. Y sont parfois parvenus. Souvent pas vraiment. Que reste-t-il de ces groupes sociaux? Des causes en suspens. Quelques désillusions. Des luttes à finir. Mais aussi, plusieurs centaines d'affiches militantes, oubliées par le temps. Enfin, pas tout à fait...

Jusqu'au 23 octobre, la galerie Art Mûr présente en effet 200 affiches engagées, qui racontent l'histoire des mouvements sociaux au Québec, de 1966 à aujourd'hui.

 

Tout comme le livre dont elle s'inspire (Pour changer le monde, paru à l'hiver 2008), l'exposition ratisse large. Il y a des affiches contre la guerre, contre la mondialisation, contre la brutalité policière ou contre la pollution. Il y aussi des affiches pour la cause souverainiste, pour celle des femmes, des immigrants, des travailleurs, des autochtones, des prisonniers politiques, on en passe...

Constat brutal

«La sélection n'est pas exhaustive», admet David Widgington, qui a piloté ce double projet avec la collaboration du CRIP (Centre de recherche en imagerie populaire). «Mais on voulait être représentatifs des différents mouvements sociaux qui ont émergé au Québec depuis 40 ans.»

Selon M.Widgington, il était essentiel d'exhumer ces affiches militantes. Car elles sont le témoin de batailles sociales importantes, qui ont souvent été livrées en marge des livres d'histoire. «Ce sont des choses qui sont rarement représentées ailleurs», résume-t-il.

Cela dit, le constat est brutal. Si certaines affiches nous permettent de mesurer les acquis et le chemin parcouru, d'autres nous mettent devant une implacable réalité: plus ça change, plus c'est pareil.

«Des causes ont évolué mais n'ont pas nécessairement été réglées, souligne M. Widgington. Les dossiers sur l'environnement, par exemple.»

 

Photo fournie par les Éditions Lux

Affiche de la FAS-CSN, 1977.

Revendications vitalesAvec leurs images-chocs et leurs slogans coup-de-poing, les affiches militantes ont encore le pouvoir de conscientiser, croit-il. Mais encore faut-il leur faire une place dans la jungle publicitaire. Faute de moyens, les groupes sociaux sont souvent privés d'espaces stratégiques pour diffuser leur message. Ces revendications sont pourtant vitales, estime M. Widgington. Elles nous concernent et devraient être accessibles à tous.

«En général, c'est l'imagerie corporative qui domine dans les lieux publics. On incite les gens à consommer et non à réfléchir. Le métro ou les abribus sont des espaces destinés aux citoyens. Et je pense qu'un certain pourcentage de surfaces devrait être réservé aux affiches militantes dans les transports en commun.»

«Ce n'est pas comme si l'espace manquait...»

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Pour changer le monde (affiches des mouvements sociaux au Québec 1966-2007). Jean-Pierre Boyer. Jean Desjardins, David Widgington, Éditions Lux, 360 pages. Exposition Pour changer le monde, galerie Art Mûr, (5826, rue Saint-Hubert) jusqu'au 23 octobre.