Les adolescentes canadiennes sont de moins en moins nombreuses à avoir des relations sexuelles. Serait-ce qu’elles deviennent plus à l’écoute de leurs propres besoins et moins vulnérables aux pressions sociales? Rien n’est moins sûr.

Statistique Canada publiait hier ses données les plus récentes sur les comportements sexuels des jeunes. En une dizaine d’années, de 1996-1997 à 2005, le pourcentage de filles de 15 à 19 ans déclarant avoir eu des relations sexuelles est passé de 51 à 43 %, une diminution de 15,6 %. Chez les jeunes hommes, la proportion était demeurée la même, à 43 %. La diminution chez les filles est encore plus marquée avant 15 ans, avec un taux passé de 12 à 8 %, une baisse de 33,3 %.

Mais pour les deux spécialistes consultées par Le Soleil, ces données semblent plutôt roses...

Première mise en garde de la sexologue Jocelyne Robert, bien connue des jeunes et auteure de Full sexuel : la vie amoureuse des adolescents : les données québécoises sont toujours beaucoup plus élevées que celles de l’ensemble du Canada. Elle a raison. Selon Statistique Canada, 58 % des 15-19 ans québécois ont dit avoir eu des relations sexuelles, contre 43 % au Canada (données non disponibles par genre). Le Québec est même la seule province à dépasser la barre des 50 %.

Sa seconde mise en garde prend la forme d’une question : qu’entend-on par relation sexuelle?

«Pour les jeunes, et les adultes aussi d’ailleurs, on pense à pénétration vaginale. Mais ça fausse tout, selon moi.»

C’est aussi ce que pense Annick Bouchard, infirmière à la clinique jeunesse du CLSC Basse-Ville —Limoilou. Pour les adolescents, «une relation sexuelle est une pénétration pénis-vagin, ou avec pénétration entre hommes, ou la totale entre deux filles. Une fellation, un cunnilingus, la sodomie (garçon avec fille), ce ne sont pas des relations sexuelles».

De fait, Statistique Canada admet s’en remettre aux jeunes pour interpréter ce qu’est une relation sexuelle, d’où la limite des données publiées hier. Et selon Mme Robert, beaucoup de jeunes filles conservent encore une image idéalisée de la pénétration, et «se préservent» en attendant le «bon» garçon, ce qui ne veut pas dire qu’elles n’ont pas de relations. Et c’est encore plus vrai chez les minorités ethniques, dit-elle.

Esprit critique

Une fois tout cela dit, Jocelyne Robert veut bien espérer que les jeunes filles soient plus critiques avant d’avoir des relations sexuelles. «Tant mieux si c’est le cas!»

Pour Annick Bouchard, toutefois, la réalité est tout autre. Dans le secteur Québec-Centre où elle travaille, la moyenne d’âge de la première relation chez les filles est de 15 ans, dit-elle. Dans certains milieux, c’est même à 12, 13, 14 ans que les jeunes sont très actifs.

Et si certains programmes amènent les ados à développer leur esprit critique, le nouveau challenge qu’elle observe fréquemment se joue entre filles, sur l’air de «T’es pas game de…» plutôt que sous la pression des garçons…