Non, ça n'est pas (plus) qu'une fantaisie de jeunes en quête de nouveauté, sans, surtout, surtout, avoir à s'engager. À tous les âges nous vient un jour (un soir?) l'idée de coucher, pourquoi pas, avec un(e) ami(e). Celui (celle)-la qu'on aime déjà, avec qui on partage une certaine complicité, plus ou moins exploitée. Pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Récits. Avis. Et mode d'emploi.

FUCK FRIEND, MODE D'EMPLOI

Tout le monde, ou presque, a une histoire d'un soir, de quelques semaines, voire d'une vie, avec un ami. Certaines ont été merveilleuses, d'autres ont terriblement mal fini. Et d'autres, enfin, durent encore, parce qu'elles se sont transformées. L'ami, devenu amant, est devenu amour. Oui, c'est cliché, mais c'est ainsi. Exactement comme à Hollywood.

En effet, le sujet est archi exploité au cinéma. De When Harry Met Sally à The F Word, en passant par Sex Friends ou Friends With Benefits, le thème alimente à qui mieux mieux les comédies à l'eau de rose. Pour cause : il est non seulement très commun, mais hyper controversé. Alors, bonne ou mauvaise idée ?

À la lumière de nos discussions, il semble y avoir trois cas de figure.

LA TRÈS MAUVAISE IDÉE

« Les vraies grandes amies que j'ai eues dans ma vie, ça a fini en relations sexuelles. Et c'était une très mauvaise idée, parce qu'il est impossible de maintenir la relation d'amitié par la suite », lance Maxime, 27 ans. Visiblement, il n'est pas le seul de cet avis.

« Ça m'est arrivé. Et c'était une mauvaise chose. On ne se côtoie plus. Mon ami a eu envie de développer une relation, pas moi », raconte Marianne, 28 ans.

C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à Sophie, 28 ans, qui est littéralement tombée amoureuse de son ami. Lui, pourtant, avait été très clair. « Il ne voulait pas de blonde. » Du coup, ils se sont mis à « se voir », bref, se texter régulièrement pour baiser, quasi dans l'instant. « Et la minute qu'on a couché ensemble, c'est devenu que ça. »

LA TRÈS BONNE IDÉE

À l'autre extrême, plusieurs ont aussi développé de très belles relations avec des amis. C'est le cas de Rémi, 31 ans. « Une amie avec qui je couchais est devenue ma blonde. Avec elle, il y avait une barrière qui était déjà tombée. »

Même son de cloche de la part d'Anne, 43 ans, en couple depuis pas moins de 17 ans avec un homme qui n'était à la base que son ami. « On avait une complicité. Ça a tout rendu facile. C'est comme si ça allait de soi. »

De soi? « Avec un ami, on dirait qu'on a peut-être moins de pudeur, notre amitié était basée sur l'humour, et on a transposé ça dans notre sexualité. »

L'EXCELLENT PLAN CUL

Pour Mimi, 50 ans, officiellement lesbienne, mais bi à ses heures (« je préfère les femmes, mais j'adore les hommes! »), coucher avec un ami, c'est tout simplement « the best! ». « Dommage que ce ne soit pas plus fréquent! »

C'est aussi avec des amis hommes qu'elle dit avoir eu les meilleures expériences du genre. « Coucher avec mes amies filles? On est trop proches. La ligne est trop mince. Tout de suite, on se demande si on veut une relation », déplore-t-elle. Avec les hommes? « Le sexe est plus facile. Ils ont appris à dissocier la sexualité de l'amour, croit-elle. C'est pour ça que j'ai un penchant pour les hommes. »

« Ça a quelque chose d'hygiénique. Mais c'est sûr qu'il faut être avec des gens matures. »

- Mimi, 50 ans

DE PLUS EN PLUS FRÉQUENT

La sexologue Sophie Brousseau voit de plus en plus de gens, début quarantaine, séparés, qui se retrouvent à fréquenter des « sex friends » et autres « amis VIP ». « Ils ont des besoins sexuels mais ne veulent pas s'engager de peur d'avoir de la peine. » Ce qu'ils cherchent? « De l'affection, après une peine d'amour. »

Son avis? « Bien sûr, cela satisfait certains besoins. On a tous une libido, un besoin d'affection, mais il faut que ce soit clair entre les deux. Parce que des fois, il y en a un qui tombe amoureux... »

Il faut dire que l'ami a le grand avantage d'être un terrain plus ou moins connu. Pas de bibittes ou de cadavres dans le placard à l'horizon.

« On est confortable avec un ami. Le risque, c'est qu'on peut aussi perdre un ami. »

« Est-ce que ça vaut la peine de perdre un ami pour du sexe? »

- Sophie Brousseau, sexologue

De son côté, la sexologue et auteure française Catherine Solano ne comprend pas trop le phénomène.

« Coucher avec quelqu'un comme si c'était un objet, ça n'est jamais une bonne idée », tranche-t-elle. D'où sa nuance : « On peut avoir une relation avec un ami. Cela peut être beau, même si c'est bref. » Avis aux intéressés : « On dit aussi que les meilleurs couples étaient à la base des amis », signale-t-elle. Ils seraient plus solides, explique la sexologue, à comparer aux couples qui se construisent sur des bases purement sexuelles, qui peuvent, disons, manquer de substance à long terme.

UNE « VUE DE L'ESPRIT »

Avec un ami, poursuit Catherine Solano, il y a a priori une certaine communion sur différents plans. « Ce n'est pas que sexuel, vous partagez des choses intellectuellement, artistiquement, la relation sera donc beaucoup plus riche. »

Et ne nous leurrons pas, signale-t-elle. Car qui dit relation sexuelle dit forcément, éventuellement, attachement.

« Le sexe crée un attachement, c'est fait pour ça! »

- Catherine Solano, sexologue

« On dit beaucoup que c'est l'ocytocine qui est l'hormone de l'attachement. Donc à chaque orgasme, vous vous attachez. C'est un attachement physiologique. Donc dire qu'on reste ami, c'est une vue de l'esprit. Ça n'est pas la réalité! »

D'où sa question : « À partir du moment où l'on s'entend bien amicalement et sexuellement, pourquoi ne pas sortir ensemble? On est arrivé à un truc très bizarre, comme si l'amour était tabou. Le sexe n'est plus tabou, mais l'amour l'est... »

FUCK FRIEND : 5 RÈGLES D'OR

1. On est très clair, dès le départ, sur nos attentes

2. On ne reste pas à dormir

3. On ne présente pas l'autre à sa famille

4. Si on fait une sortie ensemble, on ne s'affiche évidemment pas. Pas de tendresse. Pas de baiser. Vous n'êtes pas un couple, souvenez-vous.

5. On n'oublie jamais qu'il est toujours possible que l'un ou l'autre tombe amoureux de l'autre, ou surtout, de quelqu'un d'autre. Cela fait partie des règles du jeu.

Source : Sophie Brousseau, sexologue

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LE MEILLEUR ET LE PIRE

Il y en a des bonnes et des moins bonnes. Et dans les deux cas, on a tendance à s'en souvenir longtemps. Peu importe le résultat, cela fait aussi de bonnes histoires à raconter. À vous de juger...

LES BONNES HISTOIRES DE MAUVAISE BAISE

« Ça fait très longtemps, j'étais à l'université. J'ai rencontré un gars. Il était super beau, ça n'avait pas de bon sens. Je ne sais toujours pas comment j'étais arrivée à coucher avec. Et puis dans le feu de l'action il m'a dit : j'aimerais ça te faire l'amour comme une femme... Tu vas voir, je vais être doux... Moi je lui ai dit : mais non, maudit bâtard! Attends chéri, mais ça n'a rien à voir! Il voulait tellement m'impressionner. Mais euh, tu es dans mon lit chéri, pis tu es un homme! »

« J'avais 20 ans. J'étais dans une auto, avec un chum récent. On était vraiment dedans. On était à côté d'une usine d'épuration d'eau, il y avait un petit interdit, bref, on se pouvait plus. Et là... les policiers sont arrivés! Mademoiselle, êtes-vous correcte? Ça t'arrête assez net... »

« Avec mon ex, elle voulait faire la grande affaire romantique avec des chandelles et de la musique. C'était juste trop. Ça m'a "turné off". Ça ne me tentait pas pantoute. On est partis à rire et finalement, on a fait autre chose... »

« Oh! Vous n'avez pas eu la chance de tomber sur le micropénis, vous... Ça m'est arrivé deux fois. Et... il faut que tu fasses semblant que ce n'est pas un micropénis! »

« J'étais allée voir mon chum en Europe. J'avais fait le voyage exprès pour le voir. J'étais là deux semaines. Mais il n'avait pas de job. Lui, il faisait l'amour. Mais pas moi... Il fallait toujours que j'aille me finir la job... C'était vraiiiiiiiment pas le fun... »

LES BAISES MÉMORABLES

« Bon, c'est un peu weird. C'était avec mon ex. Le sexe était toujours un peu bestial, rough, à la limite de la porno. Et puis un jour je me suis retrouvée à l'hôpital à cause d'un énorme torticolis. Et là, tout à coup, il a pris soin de moi. De retour à la maison, il m'a fait l'amour tellement dou-ce-ment. Il y avait de la tendresse, une jouissance extrême! C'est mon plus beau et gros orgasme à ce jour! Avec un torticolis! »

« Je venais d'apprendre que j'étais enceinte. De ma deuxième. Ce soir-là, on célébrait ça. Ça a été extraordinaire. Je m'en souviens encore. On pleurait les deux. On pleurait et on riait en même temps. »

« Cette fois-là, on n'a même pas fait l'amour. Il n'y a pas eu de pénétration. Mais on s'est découvert. Il y avait une vraie connexion physique et émotionnelle. On se touchait. Je l'aimais. Il y avait un vrai partage. »

« C'était avec un homme marié. Il trompait sa femme avec moi. Elle était partie en voyage. Et moi, je n'étais pas très à l'aise. On est allé chez lui, dans sa maison, il y avait les jouets de ses trois enfants par terre. Et moi je réalisais toute l'importance de ce qu'on faisait. J'ai compris bien des choses sur la fidélité, l'infidélité, ça m'a marquée. C'est avec cet homme-là que je suis devenue une femme. Tout d'un coup. »

UN BON COUP, C'EST...

Non, un bon coup, ça n'est pas une question de taille, de durée, ni même vraiment d'orgasme. C'est plutôt une affaire d'atmosphère, de complicité, de rire et de laisser-aller. En un mot : c'est quand franchement, on se sent s'abandonner...

« Un bon coup? C'est un mélange de tendresse, de bons préliminaires et de chimie. »

« C'est quelqu'un qui réussit à te sortir complètement de ta tête. Quand tu fais juste profiter du moment présent. Ce qui est assez rare. Ça n'arrive pas toutes les fois, en tout cas. »

« Ça n'est pas nécessairement dans la mécanique, mais plutôt dans le mood. »

« C'est un moment, il n'y a pas de standard. »

« C'est une complicité sexuelle, beaucoup dans le parler, les mots utilisés. »

« C'est l'état d'esprit. »

« Une personne sur la même longueur d'onde que moi. »

« C'est la vibe, le rire, moi le rire fait partie de la sexualité! »

« Un bon match, c'est quelqu'un qui te permet de te départir de tes tabous, de te laisser aller complètement. »

« C'est quand on fait quelque chose d'un peu subversif, une relation anale, l'amour dans une autre pièce. Quand on a des enfants et qu'on vit dans un 4 1/2, la salle de lavage, ça devient... quelque chose! »

« Quand je bande dans ma tête. »

« Quelqu'un qui ne va pas mentir sur la grosseur de sa graine, qui sera beau et charmant. Et qui ne cherche pas juste du sexe, finalement. »

« Je pense que c'est un abandon complet. Ça devient animal - pas au sens violent -, il y a une chimie, une communion. Être avec une femme qui ne va pas penser à la position de ses seins ou à son ventre pendant qu'elle fait l'amour. Une bonne baise, c'est une communion complète dans la communication. »

L'AVIS DE LA SEXOLOGUE SOPHIE BROUSSEAU

« Les plus beaux souvenirs sexuels sont souvent ceux qui nous ont fait vivre toutes sortes d'émotions, nous ont fait vibrer, c'est pourquoi ils sont plus marquants qu'un trip à trois, par exemple, où c'est mécanique, non sensuel et sans complicité entre les partenaires. Bien que nous entendons parler de toutes sortes de pratiques sexuelles, les gens ont, à la base, besoin de se sentir aimés, séduits, complices. [...] C'est pourquoi une personne peut être marquée par une relation sexuelle où tout semble s'arrêter, où une énergie sexuelle circule entre les deux partenaires. »