Même en cette ère d'«hypersexualisation», les pratiques sexuelles des adolescents restent mal connues. Et d'abord, qu'est-ce qu'une relation sexuelle aux yeux des ados? Le sexe oral est-il aussi anodin que certains d'entre eux le croient? Des chercheurs américains ont tenté de lever le voile sur ces questions.

Quand elle a commencé à s'intéresser à la sexualité des adolescents, Bonnie Halpern-Felsher s'est étonnée de ne pas pouvoir trouver de données sur la proportion d'adolescents qui se sont livrés au sexe oral avant d'avoir une relation vaginale.

«Les adolescents tendent à considérer qu'une fellation ou un cunnilingus n'est pas une relation sexuelle», explique la pédiatre de l'Université de Californie à San Francisco, qui se penche sur la question depuis une dizaine d'années. «On dirait que cette opinion est en quelque sorte partagée par les chercheurs. Souvent on va trouver des études qui vont parler de sexe oral chez des vierges. C'est un concept délicat quand on réalise que, très souvent, le sexe oral va précipiter la décision d'avoir une relation sexuelle.»

Les études de la Dre Halpern-Felsher concluent que, chez les élèves de troisième secondaire, ceux qui commencent à pratiquer le sexe oral pendant l'année sont 3,2 fois plus susceptibles que leurs camarades de classe à avoir leur première relation sexuelle avant la quatrième secondaire.

«Comme les adolescents ne considèrent pas que le sexe oral est une pratique risquée, ou même sexuelle, ils l'abordent avec plus de légèreté, sans trop y penser, explique la chercheuse californienne. Or, comme c'est un précurseur naturel des relations vaginales, on fait fausse route en n'en parlant pas dans les cours d'éducation sexuelle et dans les autres interventions auprès des jeunes. Il ne s'agit pas de dire: «Le sexe oral mène au coït», simplement de bien expliquer que ce n'est pas un geste anodin. D'autres études ont montré que, pour les jeunes filles, si le sexe oral n'est pas associé à une relation de confiance, il peut y avoir des problèmes d'estime de soi.»

Signe de l'intérêt que les chercheurs portent maintenant au sexe oral, une séance du récent congrès annuel de l'Association américaine pour l'avancement des sciences, à Washington, y était consacrée. La Dre Halpern-Felsher y a présenté ses travaux.

Dans l'échantillon de la pédiatre californienne, 18% des adolescents avaient une relation sexuelle orale avant le début de la troisième secondaire, et 11% une relation vaginale. À la fin de la cinquième secondaire, ces proportions avaient respectivement grimpé à 50% et à 44%. Les chiffres sont similaires au Québec: 16% des adolescents ont des relations vaginales avant la troisième secondaire et la moitié des adolescents avant la fin de la première année de cégep.

Masturbation

Qu'en est-il de la masturbation? «D'une manière générale, les pratiques sexuelles devancent l'âge du premier coït», explique Anthony Smith, psychologue à l'Université Latrobe, en Australie. Elle a publié en 1996 l'une des rares études sur le sujet, qui a conclu que les adolescents qui se masturbent ont de meilleures expériences au cours de leur premier coït. Le tiers des garçons et une fille sur 10 dans son échantillon se masturbaient plus de trois fois par semaine.

Ce lien entre masturbation et estime de soi au cours de la première relation sexuelle n'est pas établi. Un psychologue de l'Université du Vermont, Harold Leitenberg, a publié il y a une vingtaine d'années deux études concluant que la fréquence de la masturbation n'a aucun impact sur l'âge du premier coït ni sur sa qualité.

En 1999, une étude américaine avait révélé que 63% des jeunes femmes, mais seulement 15% des jeunes hommes, n'avaient jamais pratiqué l'onanisme avant leur première relation sexuelle.