Quelques décennies après la révolution sexuelle, les interdits en matière de sexualité existent toujours. «On dénonce les nouveaux usages du corps qui ne correspondent pas aux normes culturelles établies, on s'inquiète des nouveaux modes de communication qu'on comprend mal. Ce n'est pas différent de toutes les paniques sur le monde virtuel», affirme Ève Paquette, professeur de sciences des religions à l'UQAM. Elle n'est pas étonnée des résultats de l'étude de ses confrères de sexologie.

Malgré l'absence de preuves, le discours dénonçant l'hypersexualisation des jeunes trouve écho dans la population parce qu'il est «porteur d'un questionnement sur les valeurs et les normes sociales», croit-elle. Dans le cadre de ses recherches, elle s'intéresse particulièrement à la place du discours dans les médias.

 

Un relent de religion? «Les tenants du discours s'inscrivent contre l'ancienne morale catholique rigide. On n'interdit pas clairement, mais on dit, par exemple, que le sexe en groupe peut avoir des conséquences assez graves pour la santé psychique et affective. C'est un discours de la classe moyenne supérieure, blanche et hétérosexuelle, issu des idéaux de la révolution tranquille, affirme Ève Paquette. On croit que l'idéal de la libération sexuelle n'a pas été atteint, que la sexualité, au lieu d'être libérée, a été récupérée par des intérêts économiques intéressés à la valeur marchande du corps. On dénonce l'hyperconsommation.

«Ça ne concerne pas que les ados, mais on ne parle que d'eux. On craint qu'ils soient traumatisés. On fait des ados des proies innocentes et de l'internet un lieu de perdition. Étrangement, on les considère comme des êtres inconscients des conséquences de leurs actes. Sont-ils plus vulnérables que les adultes?»

Ève Paquette ne partage pas les craintes des tenants du discours sur l'hypersexualisation des jeunes. Elle s'inquiète plutôt de voir les jeunes eux-mêmes adopter le discours et se stigmatiser entre eux. «Et pendant que la culture dominante se préoccupe de ses valeurs, s'occupe-t-on des jeunes qui ont de vrais problèmes?»