Sans surprise, la majorité des jeunes d'aujourd'hui ont déjà vu un film X : c'est le cas de 87 % des moins de 18 ans et de 94 % des 18 à 24 ans. Dans l'ensemble, 66 % des consommateurs disent avoir regardé leur premier film X avant 18 ans. À peine 13 % chez les 65 ans et plus.

«En raison de l'accessibilité, on consomme beaucoup et de plus en plus jeune, assure le sociologue Richard Poulin, professeur à l'Université d'Ottawa. L'âge moyen de la première consommation tourne autour de 12 ans pour les garçons et de 13 ans pour les filles. Ça imprime chez les jeunes une vision trompeuse de la sexualité, qui évacue les notions d'égalité et de respect mutuel. C'est devenu leur éducation sexuelle. C'est préoccupant.»Le tiers des mineurs amateurs de porno en consomme tous les jours. Même chose pour le quart des 18 à 24 ans. Tout âge confondu, un répondant sur cinq (19%) dit regarder de la porno au quotidien, mais seulement un sur 10 (11 %) affirme que son épanouissement sexuel en dépend.

Geneviève Parent pense que les accros à la porno sont plus nombreux. « Si on regarde de la porno de façon régulière afin de combler un manque ou de pallier un ennui sexuel, ça devient problématique, croit la sexologue. Les dépendants comparent ça à un high de drogue. Une sexualité sans porno devient ennuyeuse, on cherche des sensations toujours plus fortes, on se tourne vers le hard. La porno à répétition, si on la reproduit, nous amène à avoir des attentes irréalistes, voire à dépasser nos limites personnelles. Ça occulte aussi une partie importante de la sexualité, comme la tendresse et la complicité. »

La consommation de porno est le miroir de la société, croit Anne-Marie Losique, qui lancera, le printemps prochain, les chaînes de télé payante de porno soft Vanessa. «Tu ne peux pas vivre par les films porno, c'est un divertissement, il faut savoir départager les choses», dit-elle.

Le problème, selon Geneviève Parent, c'est que plus on est jeune, plus on peine à faire la différence.

«On ne connaît pas les effets de la consommation de porno à long terme, indique pour sa part Richard Poulin. Il faudrait remettre au programme les cours d'éducation sexuelle et financer des recherches sur les effets de la porno. Le débat public, aujourd'hui fondé sur des approches morales, serait plus éclairé.»

À en croire notre sondage maison réalisé sur Cyberpresse, la pornographie a tout de même du bon. Les deux tiers des amateurs (65 %), autant les femmes que les hommes, affirment que la porno a un impact positif sur leur vie sexuelle.

«Si on consomme par libre choix et que ça met du piquant dans une soirée de couple, qu'y a-t-il de mal ?» demande Anne-Marie Losique.