Fini les McPoulets et les McCroquettes au poulet nourri à la moulée enrichie d'antibiotiques, du moins chez nos voisins du Sud. Les restaurants McDonald's américains ont pris une décision sans précédent, dans le but de freiner la progression des bactéries résistantes aux antibiotiques. Toutefois, McDonald's du Canada n'entend pas leur emboîter le pas pour le moment.

« McDonald's du Canada reconnaît l'approche proactive de ses collègues américains, mais n'a pas décidé pour le moment de changer son approche actuelle en matière de poulet », a fait savoir la branche canadienne de l'entreprise qui achète 24 000 tonnes de poulet par année.

Elle précise que puisque « les pratiques d'approvisionnement et la chaîne d'approvisionnement canadiennes diffèrent de celles des États-Unis », elle évaluera les conséquences d'un approvisionnement exclusif en poulets élevés sans antibiotiques utilisés en médecine humaine avant d'imiter l'exemple des Américains.

D'ici deux ans, les restaurants McDonald's américains n'achèteront plus de volaille à des éleveurs utilisant systématiquement des antibiotiques fréquemment prescrits en médecine humaine. Les fermes auprès desquelles s'approvisionnent les restaurants américains leur emboîtent le pas et entendent modifier leurs pratiques. Cette décision va au-delà des directives énoncées cette semaine par la maison mère, qui se borne à prôner une utilisation plus prudente des antibiotiques dans les élevages.

La résistance antibiotique se produit quand une bactérie mute et que l'antibiotique normalement utilisé pour la combattre devient inefficace. La communauté scientifique mondiale s'inquiète depuis des années des risques élevés liés à la surutilisation d'antibiotiques. Le Dr Richard Marchand, microbiologiste et infectiologue à l'Institut de cardiologie de Montréal, explique que les antibiotiques administrés aux animaux entraînent des résistances chez l'humain qui les consomme.

« Quand on donne de petites doses à ces animaux-là, on expose les microbes de leur intestin à l'antibiotique, explique-t-il. Mais on cesse de donner les antibiotiques deux à trois semaines avant l'abattage. On n'avale donc pas une viande qui contient des antibiotiques, mais plutôt une viande qui a été colonisée par des microbes qui, eux, sont résistants à ces antibiotiques-là. »

L'OMS en état d'alerte

Dans son premier rapport sur la résistance aux agents antimicrobiens qui a été publié en 2014, l'Organisation mondiale de la santé est catégorique : la résistance aux antibiotiques est désormais un fait avéré, et ce, à l'échelle mondiale.

C'est dire que d'ici la prochaine décennie, les antibiotiques pourraient échouer à soigner efficacement otites, pneumonies, infections urinaires, syphilis...

« C'est une menace qui pourrait être évitable et qui dépend des gouvernements, de la population, de la sensibilisation, clame le Dr Marchand, qui aurait à tout le moins espéré que McDonald's du Canada s'inspire de l'exemple de son homologue américain. Présentement, on est comme un train lancé à toute vitesse sur des rails. On sait que plus loin, un pont ne sera pas capable de supporter le poids de la locomotive, mais on continue de foncer parce qu'il ne faut pas nuire au commerce. »

Dans les pays de l'Union européenne, l'ajout d'antibiotiques à la moulée des poulets est interdit depuis 2006. Aux États-Unis, le président Barack Obama a ordonné, selon un décret présidentiel annoncé l'automne dernier, aux agences et ministères fédéraux concernés d'établir un plan d'action pour une utilisation responsable des antibiotiques. Au Canada, des comités de consultations et de discussions se penchent sur la question.

Les espoirs de St-Hubert

Les Rôtisseries St-Hubert espèrent que la décision de McDonald's aux États-Unis amènera les éleveurs québécois à produire du poulet sans antibiotiques en quantité suffisante pour l'approvisionnement des chaînes de restaurants de la province. St-Hubert, qui achète 11 millions de kilos de poulet par année, souhaite se procurer de la volaille exempte d'antibiotiques depuis près de 20 ans. « La réponse [des fournisseurs], c'est non, un point c'est tout. Ils ne feront pas l'effort parce qu'ils savent que je ne peux pas aller acheter ailleurs », explique le président du C.A., Jean-Pierre Léger. « Une multinationale peut faire changer les choses [...]. En attendant, on vit sous un système de gestion de l'offre que j'appelle un cartel. » Ni Les Éleveurs de volailles du Québec ni Santé Canada n'ont été en mesure de répondre à nos questions.