Les Québécois prennent rapidement goût à la viande caprine. Mais élever des chevreaux pour leur chair maigre et facile à cuisiner n'est pas une mince affaire. Incursion dans une industrie alimentaire pleine de promesses... et de défis.

Rudy, gros bouc de 350 livres, règne sur une vingtaine de chèvres dans un enclos de Mont-Saint-Grégoire. Dans une grange tout près, 46 mignons chevreaux - dont plusieurs petits de Rudy - sont en engraissement. «Ils seront prêts pour l'abattage quand ils auront entre six et huit mois», dit Jonathan Plante, de la ferme Jo-Vi, en faisant visiter les lieux à La Presse.

Éleveur caprin, M. Plante ne produit ni lait ni fromage de chèvre. Seulement de la viande. «Du chevreau de boucherie, précise-t-il. Quand on me dit que c'est de la viande de chèvre, j'en ai des frissons! On ne mange pas de brebis, mais de l'agneau. C'est pareil pour le chevreau, ce n'est pas de la chèvre. Je veux rendre justice au produit.»

Longtemps, les Québécois ne trouvaient sur le marché que de la viande de chèvre ou de chevreau laitiers, «qui goûte la laine», dit Vickie Archambault, la conjointe de l'éleveur. Mais depuis une quinzaine d'années, «on a commencé à élever des races de boucherie», indique Dave Bérubé, deuxième vice-président du Syndicat des producteurs de chèvres du Québec.

À la ferme Jo-Vi, de charmantes Boer, une race aux longues oreilles brunes pendantes, côtoient des Kiko à tête blanche. Caractéristique commune: leurs petits gagnent rapidement une bonne quantité de viande, au goût moins prononcé que les cabris laitiers peu charnus, élevés pour leur bonne production de lait.

Au marché Jean-Talon, la boucherie Prince Noir vend la viande des chevreaux de M. Plante, après s'être longtemps contentée d'offrir celle de races laitières. «La différence est aussi grande qu'entre de la viande de vache à lait et de boeuf, témoigne Michel Blais, propriétaire de la boucherie. Dans un chevreau de boucherie, tu as de la chair! Elle est tendre, de meilleure qualité.»

Popularité croissante

Se lancer dans cette production en émergence n'est pas facile. «Pour bâtir mon troupeau avec une génétique variée, je suis allé chercher des Boer aux quatre coins du Québec», explique M. Plante. Sa chèvrerie compte aujourd'hui 77 reproductrices. Pas mal pour un élevage commencé avec une première chèvre acquise «pour le plaisir», en 2008.

Le Québec vit un boom d'exploitations de chèvres de boucherie, dont le nombre a plus que doublé en 10 ans. Il est passé de 64 à 149 chèvreries, avec un cheptel de 3770 têtes, concentrées surtout en Montérégie, dans Chaudière-Appalaches et en Estrie. (Les fermes comptant moins de 10 chèvres sont exclues des calculs.)

«Malgré tout, on ne remplit pas la moitié de la demande», souligne M. Bérubé. «Les importations de viande de chèvre sont en forte augmentation, principalement celles en provenance de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande», confirme la récente Monographie de l'industrie caprine au Québec, produite par le ministère de l'Agriculture (MAPAQ). Au Canada, le volume de viande caprine importée a augmenté de 64% en quatre ans, pour atteindre 2,7 millions de kg en 2010.

Pourquoi ne pas produire plus?

Parmi les exploitations québécoises, «il y a un très fort roulement», explique M. Bérubé. «La marge bénéficiaire est maigre, et elle l'est encore plus dans la chèvre de boucherie (comparativement à la chèvre laitière).»

Petite exploitation familiale, la ferme Jo-Vi n'est pas encore rentable. «Il nous faudra entre 110 et 120 chèvres reproductrices pour y arriver, indique M. Plante. On devrait atteindre cet objectif en 2013.»

Un peu partout au Québec, note M. Bérubé, «la production monte tranquillement, mais sûrement».

Maigre et nutritive

Bonne nouvelle: la chèvre est une viande «qui est très peu grasse comparativement aux autres viandes que l'on consomme traditionnellement, comme le boeuf, le porc et le veau», indique Geneviève Nadeau, nutritionniste chez Nadeau Nutrition. La preuve: 100 g de chevreau cuit contiennent 3 g de gras, contre 17 pour la même quantité de porc. Un atout qui plaira aux femmes, qui manquent parfois de fer: la viande caprine en fournit plus que le boeuf ou l'agneau.

Où acheter du chevreau

À la boucherie

Boucherie Prince Noir

Marché Jean-Talon

7070, av. Henri-Julien, Montréal

514-906-1110

Dans une chèvrerie

Ferme Benchris

228, Rang de L'Église Nord, Sainte-Angèle-de-Monnoir (Montérégie)

450-460-2300

Ferme Bernier Campbell

215, 1er rang Milton, Roxton Pond (Montérégie)

450-361-9502

fermeberniercampbell.com

Ferme Nadeau Morissette

465, route Beaudoin, Armagh (Chaudière-Appalaches)

418-466-3232

fermenadeaumorissette.com

Ferme Les délices caprins

280, Bois-Franc Pierriche, Issoudun (Chaudière-Appalaches)

418-728-3389

lesdelicescaprins.com

Au resto

La Salle à manger

1302, av. du Mont-Royal E., Montréal

514-522-0777

lasalleamanger.ca

Photo Ivanoh Demers, La Presse

L'élevage de chevreau de Jonathan Plante, au Mont-Saint-Grégoire.