Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation, en mission au Canada, a sévèrement critiqué le pays mercredi, affirmant que trois millions de Canadiens, soit environ 10% de la population, n'avaient pas les moyens de manger correctement.

Premièrement, en fait la pauvreté s'accroît, les inégalités s'accroissent dans le pays et par conséquent un nombre significatif de Canadiens sont trop pauvres pour se nourrir de manière saine», a-t-il asséné devant les caméras.

«Deuxièmement, il y a un changement dans la manière de se nourrir, ce qui entraîne des taux très élevés d'obésité», a observé M. De Schutter, qui avait visité des zones pauvres de banlieue et des réserves autochtones reculées où la nourriture coûte cher en raison des frais de transport.

«Le Canada a été depuis longtemps perçu comme une terre d'abondance. Mais aujourd'hui une famille sur dix comptant un enfant de moins de six ans est incapable de satisfaire ses besoins alimentaires quotidiens. C'est un taux d'insécurité alimentaire inacceptable et il est temps que le Canada adopte une stratégie nationale sur le droit à l'alimentation», a dit l'émissaire des l'ONU.

Le gouvernement canadien a réagi avec indignation, le ministre de l'Immigration Jason Kenney affirmant que les reproches du rapporteur «jetaient le discrédit sur les Nations unies» et que sa mission était «ridicule».

Le Canada, a dit le ministre à la télévision, «envoie des milliards de dollars d'aide alimentaire aux pays en développement. (...) Nous voudrions espérer que notre contribution aux Nations unies est utilisée pour aider les populations affamées dans les pays en développement et non à faire des sermons aux pays aisés et développés comme le Canada».

Depuis 11 jours au Canada, M. De Schutter, rapporteur spécial depuis 2008 mais dont c'est la première mission dans un pays développé, n'a été reçu que juste avant son départ par un membre du gouvernement, la ministre de la Santé Leona Aglukkaq.

Bien que peu habituée à lancer des piques, Mme Aglukkaq n'a pas été tendre avec son interlocuteur, le qualifiant dans les couloirs de «mal informé et condescendant».

Elle a entre autres déclaré avoir cherché à lui expliquer que la pression d'écologistes et de défenseurs des animaux empêche les autochtones canadiens de chasser et pêcher comme ils en ont l'habitude pour se nourrir correctement.

M. De Schutter doit présenter son rapport au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU en 2013.