Manger du poisson cru augmente l'exposition au mercure. Au contraire, faire bouillir le poisson diminue la bioaccessibilité du mercure - sa solubilisation dans nos jus gastriques - de 40%. Le faire frire réduit l'exposition à ce contaminant de 60%. C'est du moins ce qu'ont démontré en laboratoire deux chercheurs en sciences biologiques de l'Université de Montréal.

«Ça nous a surpris: la cuisson du poisson a un énorme impact sur la bioaccessibilité du mercure», a dit à La Presse Marc Amyot, professeur à l'Université de Montréal, coauteur de l'étude avec le doctorant Ousséni Ouédraogo. Que les amateurs de sushis se rassurent: boire une tassé de café noir ou de thé vert ou noir en savourant son poisson réduit aussi l'exposition au mercure du poisson de 50 à 60%.

Publiée dans Environmental Research, l'étude est la première à évaluer la bioaccessibilité du mercure après cuisson et digestion du poisson. «C'est plus réaliste que ce qui s'est fait auparavant», a dit M. Amyot.

Les chercheurs ont d'abord mesuré le taux de mercure dans des morceaux de thon, de maquereau et de petit requin, crus, bouillis ou frits dans l'huile de maïs. Les concentrations restaient à peu près les mêmes. Ils ont ensuite recréé in vitro les mécanismes de la digestion humaine, trouvant des baisses importantes de bioaccessibilité du mercure dans le poisson cuit.

«Nous ne pouvons affirmer avec certitude la raison qui explique cette diminution, a dit le scientifique au Forum, journal de l'Université de Montréal. Probablement que le chauffage des pièces de poisson dénature les protéines et altère la solubilisation du mercure.»

Pourtant très friandes de poisson, certaines communautés sont moins contaminées par le mercure que prévu par les scientifiques. Les concentrations de mercure estimées chez certains Cris, Inuits et Japonais sont de... 369% à 586% supérieures à la réalité. L'écart est peut-être dû à la génétique, mais aussi aux habitudes alimentaires des communautés.

Faut-il bannir les sashimis, si on les préfère sans thé? «Quelqu'un qui mangerait tous les jours du sushi devrait diversifier son alimentation, dit M. Amyot. Mais le Québécois moyen doit continuer de consommer du poisson, c'est extrêmement bon pour la santé. Les groupes à risque, comme les femmes enceintes et les très grands consommateurs, doivent toutefois faire attention.»

Frire le poisson est déconseillé, puisque ce mode de cuisson a des effets néfastes sur la santé cardiovasculaire. Choisir des poissons petits ou herbivores, comme la sardine, le tilapia ou la carpe, est un meilleur moyen de réduire le risque d'exposition au mercure, selon le biologiste. Santé Canada recommande de manger au moins deux portions de poisson par semaine, en limitant la consommation des poissons les plus contaminés, comme le requin, l'espadon, le marlin ou le thon frais et congelé.