Les repas familiaux qui se déroulent dans l'harmonie, sans chicane, surtout entre parents et enfants, sont associés à une plus grande ingestion de calories chez les petits, selon une recherche à paraître dans le Journal of Nutrition Education and Behavior.

«C'est assez surprenant, a dit à La Presse Lise Dubois, auteure principale de l'étude et professeure au département d'épidémiologie et de médecine sociale de l'Université d'Ottawa. Nous sommes partis de l'idée que le stress causé par les disputes à la maison les faisait manger plus, ou plus vite. C'est un peu l'effet inverse qu'on a observé.»

Les enfants qui mangent dans un milieu serein sont 2,5 fois plus susceptibles d'absorber une grande quantité d'énergie que ceux qui sont souvent ou toujours exposés aux conflits à table. Et ce, peu importe leur degré d'activité physique, le fait qu'ils mangent devant la télévision, le degré d'instruction de leur mère ou le poids de leurs parents. Plus de 1500 enfants québécois de 4 ans ont été étudiés pour en arriver à ce constat, en collaboration avec l'Institut de la statistique du Québec.

«Il semble que les enfants se lèvent de table très vite quand il y a de la chicane, a indiqué Mme Dubois, aussi chercheuse à l'Institut de recherche sur la santé des populations. Comme ce n'est plus agréable de manger, on se nourrit, puis on va faire autre chose.» Il faut faire attention à ces enfants quand ils deviennent adolescents. «Ils vont peut-être avoir des problèmes d'anorexie», croit la professeure.

Des repas parfois chaotiques

Dans 16,5% des familles, les repas sont déplaisants. Des disputent éclatent régulièrement entre parents, entre enfants, ou entre parents et enfants. Et dans 20% des cas, les repas familiaux n'offrent jamais ou seulement occasionnellement la possibilité de se parler.

«Ces repas sont parfois assez chaotiques, a observé la chercheuse. On croit que, si les mamans restaient en partie à la maison pour faire les repas, si tout le monde pouvait manger ensemble, les gens auraient moins de problèmes d'obésité. Mais il faut regarder le contexte des repas. Il y a probablement des enfants qui sont plus tranquilles lorsqu'ils mangent devant la télévision. Ça défait un peu certains mythes.»

Souvent regretté, le sacro-saint repas familial est en fait une pratique récente, inspirée de la bourgeoisie, selon l'étude. Ce n'est que depuis les années 50 qu'une majorité de la population américaine mange en famille, et pas toujours en harmonie.

«Aujourd'hui, bien des familles vivent du stress, fait valoir Mme Dubois. Les deux parents travaillent. Quand on rentre à la maison, il faut faire manger les enfants pour qu'ils puissent ensuite prendre un bain, parce qu'on repart le lendemain. Il n'y a pas beaucoup de temps pour relaxer.» Le souper est le moment le plus stressant de la journée pour 21% des mères mariées, d'après un sondage canadien mené en 2004.

Que faire? «On parle parfois de mieux aménager le temps de travail pour les familles, a rappelé la chercheuse. C'est un bon exemple: il y a probablement un certain nombre de familles qui arrivent à la maison un peu tard. Si les gens avaient plus de temps, évidemment, ce serait plus facile à gérer.»