La vente de lait cru est interdite, selon la loi sur les aliments de Santé Canada. Des dispositions provinciales empêchent aussi le commerce de lait non pasteurisé. Les seules personnes autorisées à boire du lait non pasteurisé sont les producteurs laitiers et leur famille.

Votre beau-frère est producteur laitier, vous allez souper chez lui et il vous donne un petit pot de crème non pasteurisée? Ça va. Mais c'est à peu près la limite de la permission, le frigo de la belle-famille. Toute commercialisation est interdite.

C'est ce qui fait l'objet d'une contestation bien sentie, venant de plusieurs coins du pays.

Car le lait cru est un aliment qui intéresse plus que les fermiers. Ses adeptes maintiennent que le lait qui n'a pas été chauffé par la pasteurisation est entier. Qu'il contient des enzymes, des bactéries et des nutriments qui ne survivent pas à la pasteurisation.

Alors des consommateurs canadiens futés ont trouvé le moyen de contourner la loi. Ils ont formé des coopératives. Chacun est propriétaire de sa vache, en tout ou en partie. La bête vit chez un agriculteur qui en prend soin. Dans ce cas, le consommateur-membre de la coopérative peut boire son lait cru, puisqu'il provient théoriquement de sa vache, n'est-ce pas?

C'est ce que maintient Michael Schmidt, ce fermier ontarien qui s'est fait connaître pour sa bataille contre les instances sanitaires de sa province. Elles contestent la légitimité de sa coopérative depuis des années.

Un groupe de Colombie-Britannique s'est aussi lancé dans le lait cru distribué à des actionnaires. La Cour suprême de la province a ordonné la fermeture de la ferme-coopérative le mois dernier parce que l'entreprise était une menace à la santé publique.

Au Québec, l'Union paysanne s'intéresse aussi au lait cru. Un projet de coopérative est en gestation avec trois producteurs de trois régions différentes.

L'Association des transformateurs laitiers du Canada a voulu mettre un holà au mouvement cette semaine en réitérant son soutien aux gouvernements provinciaux dans leurs batailles contre le lait cru.

«Le lait est un aliment très sécuritaire, dit Don Jarvis, président du regroupement canadien de transformateurs. Tant qu'il est pasteurisé.» La consommation de lait cru par l'humain était l'une des principales causes des maladies d'origine alimentaire, ainsi que de mortalité infantile, défendent les transformateurs laitiers.

Foutaise, maintient le biologiste Carol Vachon qui milite en faveur du lait cru depuis des années. On ne peut pas comparer la qualité du lait cru fait jadis, avec les moyens du bord, avec la qualité du lait produit aujourd'hui par les agriculteurs professionnels. Rien à voir.

«Tous les producteurs laitiers boivent leur lait. Pourquoi le lait deviendrait-il dangereux dès qu'il traverse la rue?» demande Carol Vachon. Il prédit que la question du lait cru sera au coeur de débats de plus en plus nombreux, une partie des consommateurs étant à la recherche d'une alimentation alternative, le plus loin possible de l'alimentation industrielle.

Au sud de la frontière, le lait cru soulève aussi les passions. Une trentaine d'États permettent la vente de lait cru, d'autres étudient présentement la possibilité de permettre son commerce, sous une forme coopérative. Les producteurs laitiers qui voudraient offrir leurs produits non pasteurisés n'auraient qu'à soumettre leur lait à des tests afin de s'assurer de son innocuité. Le 2e Symposium international sur le lait cru s'est tenu la semaine dernière, au Wisconsin. Le premier avait eu lieu l'année dernière, à Toronto.

Selon Don Jarvis, porte-parole des transformateurs laitiers, le mouvement est néanmoins marginal.

Un jugement prononcé cette année dans l'histoire du fermier ontarien Michael Schmidt a quand même donné de l'espoir aux défenseurs du lait cru. Un juge de paix a tranché: des membres d'une coopérative, majeurs et vaccinés, ont tout à fait le droit de boire leur lait comme ça leur plaît. Cru, dans ce cas-ci. La province porte la cause en appel.

En France, on est passé à autre chose. La dernière mode? Les machines distributrices de lait cru qui se multiplient à une vitesse folle. Les machines sont généralement installées à proximité d'épiceries et elles sont remplies tous les matins du lait de la traite, entier, par les producteurs.