Jeûne ou diète ? Séjour de repos ou jeûne en randonnée ? La pratique du jeûne visant à débarrasser l'organisme de ses toxines se développe dans les pays occidentaux, générant une multiplication d'offres de séjours dits de «santé», mais reste controversée.

Le jeûne est présent depuis des siècles dans la plupart des religions (ramadan, carême, kippour...). «Pratiqué comme c'est pratiqué dans ce cadre, ça n'est probablement pas plus idiot qu'autre chose et en tout cas ça accompagne souvent une réflexion philosophique respectable», analyse le nutritionniste français Jean-Claude Melchior.«De là à ce qu'il y ait des organismes qui commencent à proposer aux gens de payer pour ne pas manger...» Le Pr Melchior juge «éthiquement dramatique qu'on profite de la naïveté des gens pour gagner de l'argent sur leur dos».

Les offres fleurissent, portées par la caisse de résonance de l'internet.

Du séjour «en chambrette» en Bretagne (ouest de la France) aux prestations d'une clinique du jeûne en Allemagne, les tarifs passent de quelques centaines à plusieurs milliers d'euros.

Plutôt que le jeûne stricto sensu -le «jeûne à l'eau"-, les offres en France semblent préférer les diètes de jus de fruits ou bouillons de légumes, plus faciles à gérer en l'absence d'encadrement médical. L'apport alimentaire peut cependant se limiter à un bouillon par jour et du jus de fruit dilué dans de l'eau.

Pourquoi jeûner ? «Les bienfaits du jeûne sont multiples», affirme Adrien Reygade, qui accueille dans son centre des personnes venues «pour une remise en forme, un break dans l'année». Comme une alternative à un séjour en thalassothérapie.

Le mot-clé pour les adeptes du jeûne est «détoxination»: l'élimination des toxines stockées dans l'organisme. «Il y a des bénéfices secondaires», explique l'hygiéniste, citant par exemple une amélioration de la vision ou des mouvements articulaires.

Mais pour le Pr Melchior, l'intérêt du jeûne pour le corps «n'est pas démontré du tout». Il risquerait même de «déséquilibrer la régulation de la prise alimentaire».

Jeûne et randonnée sont-ils compatibles ? «Là on met l'organisme potentiellement en danger», avertit le Pr Melchior. «Les risques d'hypoglycémie à l'effort sont majeurs», ajoute-t-il.

Il explique qu'après plus d'une douzaine d'heures de jeûne, «il n'y a plus de glycogène dans le foie», donc plus de possibilités d'alimenter le sang en sucre «si jamais muscles, cerveau ou n'importe quel organe se mettent à en consommer de façon brutale». Ce qui se produit en cas d'effort rapide et intense.

«La randonnée va permettre à l'organisme de détoxiner d'autant mieux», affirme Danièle Cazal, graphiste, qui propose des séjours «jeûne et randonnée» encadrés par un naturopathe. «Ce n'est pas un entraînement militaire», prend-elle soin de préciser, tout en assurant qu'«il n'y a pas de contre-indications». «On va se nourrir d'autre chose, on va se nourrir des paysages», dit-elle.

Pour Désiré Mérien, un des pionniers de la pratique du jeûne en France, le mot d'ordre est d'y aller «piano, piano». «Il ne faut pas lancer les gens dans des choses excessives», met-il en garde, soulignant qu'«il y a des extrémistes en santé naturelle aussi».

Au terme «randonnée», ce naturo-thérapeute préfère celui de «balade», qui s'inscrit dans un objectif de détente et de repos.

Le sujet «interpelle» la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, «très attentive» à ces pratiques, en raison du potentiel de risque d'emprise sur des personnes affaiblies physiquement.

Nutritionnistes et naturopathes se rejoignent sur un point: le jeûne ne va pas remettre à zéro les compteurs d'une société oublieuse de son hygiène de vie au quotidien.