Repérer les signes annonciateurs d'une schizophrénie et les traiter pour stopper l'évolution de la maladie: c'est l'espoir que caressent les psychiatres américains qui sont de plus en plus nombreux à former des équipes au repérage de ces tout premiers signes.

Car si cette phase au cours de laquelle les malades peuvent avoir des hallucinations auditives et visuelles ou des pensées bizarres, sans réellement y croire, est connue d'eux depuis des décennies, les médecins ne savent toujours pas la traiter.Certains de ces signes précoces sont presque imperceptibles. «Parfois, les enfants disent que les lumières semblent différentes», et que les fenêtres sont trop brillantes, souligne Ann Lovegren Conley, infirmière praticienne à l'université du Maine du Sud. Ce peut être le signe «qu'il ne s'agit pas d'une dépression typique ou d'un stress réactionnel», précise-t-elle. «Il y a quelque chose en plus».

A l'opposé, les personnes souffrant de psychose avérée s'accrochent à des explications irrationnelles. Quand quelqu'un interprète un étrange halo de lumière à l'entrée de la chambre à coucher comme un message urgent annonçant la mort d'un proche, «c'est le signe qu'il a basculé dans la psychose», observe le Dr Thomas McGlashan, professeur de psychiatrie à l'Université de Yale.

A l'heure actuelle, pour affiner le diagnostic de psychose débutante, les spécialistes ont recours à des outils, notamment la lecture de scanners, l'étude de l'ADN et la recherche hormonale.

Pour améliorer ses connaissances, l'infirmière Conley s'est mise en rapport avec le programme PIER (Portland Identification and Early Referral program), une des 20 cliniques des Etats-Unis qui étudient de près les signes annonciateurs de schizophrénies. PIER a formé cette infirmière, tout comme des milliers de ses consoeurs, de conseillers et autres pédiatres, au repérage de cette pathologie, dans Portland et sa région.

Ce programme met l'accent sur les thérapies non pharmacologiques pour les patients âgés de 12 à 25 ans, bien qu'environ les trois quarts d'entre eux prennent des traitements anti-psychotiques. Il comprend des réunions de groupes dans lesquelles les patients et les familles débattent des moyens de venir à bout de la tension au jour le jour. Le programme se consacre aussi au maintien des enfants à l'école, dans leurs familles et plus généralement dans la société.

Subventionnée par des dons de la Fondation Robert Wood Johnson, la méthode PIER est par ailleurs expérimentée en Californie, dans l'Oregon, le Michigan et l'Etat de New York.

Etudier la schizophrénie débutante est une tâche ardue pour le petit mais croissant nombre de chercheurs de la région car cette maladie y est relativement rare. Une communauté normale peut afficher un cas pour 10.000 habitants chaque année, et une partie seulement va pouvoir entrer dans une étude.

Cette année, un projet dont l'objectif est de découvrir les signes biologiques qui pourraient aider au diagnostic de psychose débutante a démarré sur les chapeaux de roue. Le projet est subventionné par l'Etat fédéral. Déjà, la preuve est faite que l'association d'un scanner et d'un questionnaire standard peut apporter une aide réelle, déclare Tyrone Cannon, de l'Université de Californie à Los Angeles.

Ces recherches pourraient aussi montrer la voie de meilleurs traitements en mettant au jour les bases biologiques de la psychose, ajoute M. Cannon, l'un des principaux chercheurs impliqués dans le projet.

En ce qui concerne le traitement des signes annonciateurs, les scientifiques déclarent avoir des approches prometteuses, sans pour autant disposer de traitement franchement efficace pour prévenir l'apparition de la maladie.

De faibles doses d'anti-psychotiques atténuent les symptômes. Mais on ne sait pas si ces drogues peuvent prévenir la psychose. Les effets collatéraux comme la prise de poids, posent un réel problème, de nombreux patients traités n'ayant de toute façon jamais développé la maladie. Plus grave encore, cette prise de poids peut détourner les jeunes patients du traitement anti-psychotique, même s'ils évoluent vers une psychose et qu'ils en ont besoin.

Quant aux traitements pycho-sociaux, les chercheurs les trouvent prometteurs, notamment ceux qui tentent d'aider les patients à gérer leur anxiété, à comprendre et à interpréter leurs symptômes. Des efforts pour soutenir les plus jeunes complètent cette formation, notamment pour les aider à garder leur travail, rester en contact avec leurs pairs, éviter le chômage et l'isolement social à terme, que ces jeunes entrent ou pas dans la psychose, soulignent les experts.

Si aucun résultat officiel n'a été publié depuis ses débuts il y a huit ans, le programme PIER semble toutefois efficace. A Portland, «on voit tous les jours des enfants aller mieux «, assure le Dr William McFarlane, directeur du programme.