En plus de la tumeur elle-même, ce qui inquiète bien des hommes qui reçoivent un diagnostic de cancer de la prostate, c'est l'impact que la maladie peut avoir sur leur vie sexuelle. Oui, s'il est détecté à temps, ce type de cancer se traite bien. Sauf que le traitement peut laisser des séquelles : fuites urinaires, absence d'éjaculation, incapacité à maintenir ou même à obtenir une érection digne de ce nom.

Le choc du cancer, diagnostiqué lorsqu'il avait 52 ans, a été dur à encaisser pour Luc*. Déjà au bord de l'épuisement au boulot, il a touché le fond. Après l'annonce, il s'est retrouvé en arrêt de travail à « essayer de se faire une tête » au sujet des options disponibles. Et des risques.

« J'ai une conjointe avec qui j'ai une bonne chimie sexuelle et on avait une vie sexuelle relativement active [avant l'opération], raconte Luc, aujourd'hui âgé de 54 ans. La perspective de faire une croix là-dessus à mon âge ne m'enchantait pas. » Sauf que les probabilités que son cancer se développe étaient grandes, selon les spécialistes qu'il a consultés. Il a opté pour l'ablation de la prostate.

Daniel Fillion, 59 ans, qui a lui aussi subi une prostatectomie radicale, a vécu une angoisse différente.

Problème d'érection

La prostate n'est pas liée à l'érection, elle produit le liquide séminal. Sauf que les nerfs érectiles passent de chaque côté de cette glande. « Lors de l'enlèvement de la prostate, ces deux nerfs très délicats - ils sont fins comme des cheveux - peuvent être touchés », explique le Dr Serge Carrier, président sortant de l'Association des urologues du Québec. Un homme sur deux, au moins, a des problèmes d'érection après être passé sous le bistouri.

Luc avoue qu'il était bien inquiet. Sa compagne le rassurait : « On va faire avec ce qu'on a », lui disait-elle. Deux ans plus tard, il s'estime chanceux. Son gland et son pénis ont conservé toute leur sensibilité et il arrive à avoir des érections « relativement fermes ». Détail inusité : il bande croche, maintenant. « Ça a un certain charme », se console-t-il en riant.

« C'est un peu inespéré », résume-t-il. Sa vie sexuelle n'est plus comme avant : il n'éjacule plus, mais il arrive à avoir des relations sexuelles satisfaisantes. Sans pénétration, pour le moment. Luc précise que, puisque sa compagne est ménopausée, la pénétration n'était déjà plus un incontournable de leurs étreintes. « Le fait que je n'aie pas d'érection très ferme ne nous nuit pas vraiment », assure-t-il, même s'il entend bien tester la chose un de ces soirs...

Après avoir subi l'ablation de la prostate, Daniel Fillion a mis six mois avant de retrouver des capacités érectiles. Son conjoint et lui ont toutefois dû se réadapter après une récidive et des traitements de radiothérapie. « Si je ne prends pas de Cialis une demi-heure avant une relation sexuelle et que mon partenaire arrête de manipuler mon pénis, mon érection ne va pas durer », précise-t-il.

« J'ai dû faire le deuil du gars que j'étais », confie Daniel. L'absence d'éjaculation le gêne aussi au moment de l'orgasme. « La jouissance est pratiquement pareille, admet-il, mais sans le feeling que quelque chose va sortir, il manque une petite coche... » 

Luc, lui, y accorde moins d'importance : « Ne plus avoir d'éjaculation ne fait pas que je me sens moins homme qu'avant. »

Ce dernier s'inquiète toutefois de ce que lui réserve l'avenir. Va-t-il perdre ses capacités érectiles plus rapidement qu'un autre homme de son âge qui n'aurait pas subi de prostatectomie ? Il ne le sait pas. Daniel préfère voir le bon côté des choses. « Je suis en vie et la vie est belle, tranche-t-il. Est-ce que je retraverserais tout ça ? Je suis obligé de dire oui, sinon avec un cancer agressif à 50 ans, je serais mort. »

Rééducation de l'érection

Après une prostatectomie, la majorité des hommes vont constater que leur érection n'est plus aussi ferme qu'avant. Et elles ne reviennent pas forcément toutes seules. Les médecins prescrivent fréquemment des médicaments comme le Viagra ou le Cialis pour favoriser l'irrigation et l'oxygénation du pénis. « Le pénis, c'est comme un gros vaisseau sanguin et un vaisseau sanguin qui n'est pas utilisé tend à s'atrophier », explique le Dr Carrier. Or, de nombreux hommes auraient tendance à mettre leur sexualité de côté durant l'année qui suit la prostatectomie. Ce qui n'est pas une bonne idée. « Les hommes qui ne font rien durant la première année répondent moins bien par la suite au Viagra, au Cialis ou au Levitra, explique l'urologue. On les encourage à prendre ces médicaments même s'ils n'ont pas de relations sexuelles, car l'effet [l'irrigation] va se faire sentir en dormant. » Dans certains cas, les médecins peuvent recommander des injections médicamenteuses dans le pénis pour provoquer une érection ou l'installation d'une prothèse pénienne.

* Pour se confier en toute liberté, Luc a requis l'anonymat.