Huit visites et une échographie, le tout sous l'autorité exclusive d'une sage-femme, sans rencontre prévue avec un médecin: à première vue, la surveillance de la grossesse en Suède est sommaire.

À mille lieues de la médicalisation poussée dans la majorité des pays occidentaux, le système a pourtant fait ses preuves.

Selon l'ONG Save The Children, la Suède est le deuxième meilleur pays au monde où devenir mère, derrière la Finlande. Et la mortalité néonatale (1,5 pour mille) et maternelle (3,1 pour 100 000 naissances) est extrêmement basse, souligne l'Union européenne dans son rapport annuel sur la santé périnatale.

Pendant la grossesse, une sage-femme est responsable de la santé de la femme enceinte et de son foetus. Ce suivi, le seul proposé, est entièrement pris en charge.

«Le médecin peut être appelé, à l'initiative de la sage-femme, dès qu'elle remarque quelque chose qui cloche», explique Sofie Laaftman, praticienne à Stockholm.

Les sages-femmes sont d'ailleurs chargées des soins pré- et périnatals depuis le XVIIIe siècle.

Pour les habitués d'un suivi médicalisé, le programme peut sembler succinct: quelques tests pour repérer carences et anomalies, un suivi régulier de la tension de la mère et du rythme cardiaque du foetus, des recommandations alimentaires, et pas un seul examen gynécologique.

En France au contraire, un rapport du ministère de la Santé de 2011 montre l'augmentation générale de la surveillance médicale, avec 20% de femmes qui ont subi plus de six échographies et 4% plus de dix, sans bénéfice évident.

«La grossesse est un état normal», rappelle Marie Berg, professeur de santé publique à l'université de Göteborg. La sage-femme surveille et accompagne. Elle se doit d'aider la mère et l'autre parent dans leurs nouveaux rôles.

Une étude scientifique publiée en août par une ONG de praticiens de la santé, la Collaboration Cochrane, conclut que «la plupart des femmes», celles qui évitent les complications, gagneraient, dans le monde, à être suivies par une sage-femme.

Selon ses auteurs, un tel suivi réduit les naissances prématurées. En Suède, elles ne concernent que 5% des bébés.

Christina Singelman, 31 ans, enceinte de son deuxième enfant, se souvient pourtant de la solitude ressentie lors de sa première grossesse: de l'inscription à l'échographie, environ dix semaines s'écoulent sans rendez-vous.

Mais si la parturiente a moins de 40 ans, pas d'antécédents médicaux et qu'elle est tombée enceinte naturellement, «il n'y a aucune raison de prévoir des rencontres plus régulières au début», explique Mme Laaftman, sage-femme qui suit une bonne centaine de grossesses.

Adina Trunk, 33 ans, a consulté deux praticiennes différentes pour ses deux enfants. «Elles étaient toutes les deux très compétentes mais (...) c'est toujours à la future mère de prendre l'initiative, de poser des questions et éventuellement de demander à rencontrer un spécialiste».

«Et puis comme on est dans une culture où on ne veut pas déranger, ça permet de garder les coûts bas», considère-t-elle.

Au début de l'accouchement, la parturiente contacte la maternité de son choix, qui lui annonce si elle peut l'accueillir. En cas de refus, elle doit se tourner vers un autre établissement.

Les sages-femmes sont, à ce moment-là encore, seules maîtres à bord. Un médecin n'interviendra qu'en cas de complications ou si la femme demande une anesthésie (50% des accouchements).

Autrement dit, «de l'inscription autour de la dixième semaine de grossesse à la sortie de la maternité, il est tout à fait possible de ne pas rencontrer de médecin», résume Mme Laaftman.

Confier aussi largement le suivi de la grossesse et l'accouchement aux sages-femmes est unique au monde. Le nombre de naissances par césarienne est relativement bas (17% en 2011) et seul 10% des femmes subissent des épisiotomies.

«C'est (aussi) un système efficace en terme de gestion des coûts», estime Mme Berg.

Selon elle, les pays où un médecin suit la grossesse ont tendance, sans toujours de fondement, à «multiplier les tests et les échographies, ce qui ouvre la voie à de l'argent facile». Une dérive que la Suède est fière d'avoir su éviter.