Des mamans qui n'ont pas assez de lait pour nourrir leur bébé font appel à des réseaux via Facebook, afin de se procurer du lait maternel. La démarche paraît sympathique, mais professionnels et autorités sanitaires s'inquiètent de cette pratique qui n'est pas sans danger pour le bébé.

Certaines en ont trop, d'autres pas assez.

Un réseau mondial de partage de lait maternel «Human Milk 4 Human Babies» («HM4HB» : lait humain pour bébés humains) met en contact, via Facebook, des mères donneuses souhaitant offrir leur lait à des mères ne parvenant pas à allaiter suffisamment leur enfant.

«Cette démarche signifie que les mamans ont bien compris les avantages du lait maternel, mais elle n'est pas dénuée de risques graves», selon le professeur Jean-Charles Picaud, président des lactariums de France.

Si cette pratique apparaît peu développée en France, elle inquiète les autorités sanitaires, tout comme celles d'autres pays qui ont lancé des mises en garde (États-Unis, Canada, etc).

L'agence des produits de santé française (Afssaps) vient ainsi de mettre vivement en garde sur les risques de transmissions d'agents infectieux (sida, hépatites, rubéole, bactéries responsables de méningites et septicémie...) liés à ces partages de lait maternel sur internet, via Facebook.

«Aucun contrôle» n'étant exercé a priori sur la donneuse, contrairement à ce qui se fait dans les lactariums français, le lait présente un risque pour l'enfant, alerte l'Afssaps.

Outre le risque infectieux, des pédiatres relèvent le risque de transmettre des médicaments ou des drogues, si la donneuse en consomme.

Parmi les virus transmissibles par le lait maternel, il y a aussi le HTLV qui infecte quinze à vingt millions de personnes dans le monde et qui est associé à une forme de leucémie et d'autres pathologies (neurologique, musculaire...).

La responsabilité du réseau «the Human Milk for Human Babies global network» est susceptible d'être engagée en cas de contamination d'un bébé par du lait infecté, prévient l'Afssaps.

Les lactariums, seuls autorisés en France à distribuer les dons de lait maternel, effectuent des tests sanguins sur la donneuse et des contrôles microbiologiques avant et après pasteurisation sur le lait.

«Une bonne pasteurisation permet d'éliminer la plupart des bactéries et virus, mais pas à 100%», relève le Dr Rachel Buffin du lactarium de Lyon.

C'est une procédure particulière (lait traité +62,5°C pendant trente minutes et ensuite refroidi à +4°C le plus rapidement possible), difficile à effectuer chez soi, note-t-elle.

Mais «faire bouillir le lait maternel lui fait perdre une grande partie de ses qualités», avertit le Dr Buffin.

Autre problème: les conditions de transport et de conservation du lait échangé directement entre mères, via le réseau HM4HB, ne sont pas encadrées, d'où un risque de dégradation du lait et de prolifération bactérienne, pointe l'Afssaps.

Les lactariums disposent de quantités (environ 60 000 litres/an) tout juste suffisantes pour couvrir une partie des besoins des prématurés (50 000 par an en France).

Le lait maternel leur est donc destiné en priorité. Pour eux, les donneuses sont les bienvenues, assure le Dr Buffin.

Pour les nourrissons nés à terme et en bonne santé, il serait sans doute plus raisonnable de recourir aux laits premier âge plutôt que de succomber à la mode du lait maternel à tout prix.

Pour avis: une récente étude américaine a montré que sur 1091 donneuses, candidates bénévoles au don de lait, 3,3% étaient positives aux tests sanguins pratiqués (syphilis, hépatites B et C, HTLV et VIH).