Le patinage synchronisé n'est pas encore un sport olympique, mais de plus en plus d'adultes de tous les niveaux se tournent vers cette discipline pour goûter aux plaisirs de la compétition par équipes.

Quand le patinage artistique devient un sport d'équipe

Les jeunes hockeyeurs qui atteignent l'âge adulte et qui veulent continuer à pratiquer leur sport peuvent compter depuis longtemps sur les ligues de garage. Pour les patineuses artistiques qui ont toujours la fibre compétitrice, il existe le patinage synchronisé.

« Je compare ça aux ligues de hockey, c'est un programme ouvert à tous, indique Any-Claude Dion, directrice générale de Patinage Québec. Les gens veulent continuer à être actifs, à compétitionner. Le patinage synchronisé répond à ce besoin-là. » La présidente du club de patinage synchronisé Nova, Liette Rivest, fait également une analogie avec les ligues de hockey de garage. « Pourquoi jouent-ils au hockey à 60 ans ? Pour plusieurs, c'est l'idée de sortir, d'oublier la famille, le travail, c'est de s'amuser. »

C'est aussi la volonté de gagner.

Il y a toutefois une petite différence : si les joueurs de hockey peuvent s'affronter dans une vraie partie une fois par semaine, les patineuses synchronisées s'entraînent pendant des semaines et des semaines pour seulement trois ou quatre compétitions au cours de la saison. 

« On veut gagner, on ne peut pas se dire qu'on va se reprendre la semaine suivante. On veut donc performer, donner le meilleur de soi-même. », explique Liette Rivest.

Le patinage synchronisé a été créé dans les années 70. Il s'agit de groupes de patineurs qui patinent à l'unisson et qui exécutent différentes figures, comme des lignes, des cercles, des blocs et des entrecroisements, au son d'une musique. Le sport a pris son essor dans les années 90, alors que plusieurs clubs de patinage artistique ont créé leurs équipes de patinage synchronisé pour différents niveaux : depuis les minuscules préjuvéniles jusqu'aux spectaculaires séniors. Des compétitions ont lieu sur la scène régionale, provinciale, nationale et internationale.

Les diverses fédérations nationales de patinage ont tenté de faire inscrire le patinage synchronisé aux Jeux olympiques de PyeongChang, sans succès. Elles espèrent se reprendre aux Jeux de Pékin en 2022.

Trois catégories

Le patinage synchronisé ne s'adresse cependant pas uniquement à l'élite : Patinage Canada a créé un programme de patinage synchronisé pour adultes qui compte trois catégories. Les hommes peuvent participer, mais ils sont encore très rares.

La catégorie Adulte I vise les patineuses les plus avancées. « Souvent, ce sont des filles qui n'ont pas arrêté le patinage ou qui ont arrêté uniquement quelques années, le temps d'aller à l'université ou d'avoir des enfants », commente l'entraîneuse Nadine Tougas, du club Nova. Il s'agit souvent de personnes qui ont patiné au niveau sénior et qui, pour toutes sortes de raisons, ne veulent plus investir autant de temps dans le sport. Les séniors peuvent s'entraîner une quinzaine d'heures par semaine alors que les patineuses de la catégorie Adulte I peuvent s'en sortir avec un entraînement par semaine. « Au Québec, il n'y a que quatre ou cinq équipes d'Adulte I, note Mme Tougas. Le niveau est très relevé. »

La catégorie Adulte II compte beaucoup plus de participants. Pas moins de 16 équipes ont participé au dernier championnat régional de patinage synchronisé à Sherbrooke, au début de février. Selon les règlements de Patinage Canada, 75 % des participantes doivent avoir 25 ans et plus.

Dans la catégorie Adulte III, 75 % des participantes doivent avoir au moins 35 ans. « Ce sont des filles qui ont patiné quand elles étaient plus jeunes et qui ont arrêté pendant plusieurs années, indique Mme Tougas. Ou encore, elles sont venues au patinage sur le tard, parce qu'elles trouvaient que c'était un beau sport. » Ce sont des patineuses débutantes, mais elles doivent quand même maîtriser certains éléments, comme le patinage arrière et les croisés, note Liette Rivest. « C'est extraordinaire ce qu'elles réussissent à faire en peu de temps, s'enthousiasme Nadine Tougas. C'est l'unisson qu'on recherche, l'homogénéité, la créativité. »

Il y a donc place pour toutes les catégories de patineurs, commente Any-Claude Dion. 

« L'objectif du programme, c'est que les adultes demeurent actifs physiquement. On peut faire du patinage synchronisé même si on n'en a pas fait une carrière. »

L'élément compétitif demeure quand même important. « Peu importe l'âge, tu veux te dépasser, t'améliorer », soutient-elle.

Comme pour les autres, les catégories adultes sont jugées selon des critères très précis au cours des compétitions. Les patineurs reçoivent une feuille d'évaluation détaillée qui leur permet de réaliser les points forts et les points faibles du programme.

« Bien sûr, on est en compétition avec les autres équipes, mais on veut aussi faire mieux que la performance précédente, indique Mme Dion. On veut continuer à progresser et la compétition, ça permet justement de mesurer sa progression. »

Comme il s'agit d'un sport d'équipe, il faut être prêt à s'engager. « Les absences sont plus ou moins bien acceptées parce que ça réduit la cadence pendant les pratiques », commente Nadine Tougas. Bien sûr, il y a des imprévus : la famille, le travail, etc. « Il s'agit de jongler avec tout ça, indique l'entraîneuse. Mais ce sont des filles passionnées vu qu'elles sont encore là une fois devenues adultes. Faire du patinage synchronisé, c'est une décision qu'elles prennent elles-mêmes, c'est leur argent, leur temps. »

Photo Olivier Jean, La Presse

L'entraîneuse Nadine Tougas et ses élèves.

«J'aime l'esprit d'équipe, l'entraide»

Nous avons posé six questions à Nadine Tougas, entraîneuse de patinage synchronisé.

QUAND AVEZ-VOUS COMMENCÉ À PATINER ?

J'ai commencé à faire du patinage vers l'âge de 4 ou 5 ans. Vers 9 ou 10 ans, ma mère m'a inscrite au patinage synchronisé. J'ai fait les deux, soit le patinage en simple et le patinage synchronisé, pendant quelques années. Comme les coûts étaient assez élevés, à 18 ans, il a fallu faire un choix. J'ai choisi le patinage synchronisé.

POURQUOI AVOIR CHOISI CETTE DISCIPLINE ?

J'aime l'esprit d'équipe, l'entraide. Et puis, à l'époque, le patinage synchronisé était moins connu. Ça nous donnait accès à des championnats, des compétitions de haut niveau. En simple, je ne sais pas combien il y a de patineurs au Québec, mais c'est plus difficile de percer. L'ambiance est aussi plus attirante. Et puis, je suis une rassembleuse, une fille d'équipe. Ça me rejoignait vraiment plus que de performer en simple.

AVEC LES ANNÉES, EST-CE QUE LA TECHNIQUE A ÉVOLUÉ EN PATINAGE SYNCHRONISÉ ?

Ça évolue rapidement. Les entraîneurs prennent plus d'expérience, les patineurs aussi. Ça ne prend que trois ou quatre ans pour qu'une catégorie arrive à faire ce que faisait la catégorie supérieure. La qualité du patinage s'est améliorée, on patine davantage sur les carres, comme en danse. Il y a aussi beaucoup d'innovation. Lors des championnats mondiaux, on regarde ce que font les autres pays, ça donne des idées.

LA COMPÉTITION, C'EST IMPORTANT EN PATINAGE SYNCHRONISÉ ?

La compétition, c'est la récompense. C'est le défi, l'entraide, le dépassement. On se fixe des objectifs en termes d'éléments à effectuer, en termes de pointage. Tout le temps qu'on a mis, toute l'implication, c'est à ce moment-là que ça rapporte. Selon ma philosophie, on ne s'en va pas battre un adversaire. En fait, on a besoin de lui pour s'améliorer et se pousser à son plein potentiel. Tant mieux si, au bout du compte, on se retrouve au sommet.

COMMENT CONCILIEZ-VOUS L'ENTRAÎNEMENT ET LA VIE PERSONNELLE ?

J'entraîne trois équipes, soit deux équipes adultes et une équipe junior. Je travaille à temps plein : je suis responsable des sports de compétition au collège Jean de la Mennais, à La Prairie. On me dit que je suis un peu intense ! Mais je n'ai pas d'enfants et je vis seule.

POURQUOI AIMEZ-VOUS ENTRAÎNER DES ÉQUIPES ?

J'aime développer des patineuses, partager mes connaissances. Comme je suis une personne émotive, j'essaie de leur faire réaliser qu'elles vivent des moments privilégiés. J'essaie d'inculquer des valeurs d'entraide aux plus jeunes. Il y a aussi une reconnaissance que je reçois des filles, bien que ce ne soit pas ce que je recherche en premier. Et puis, à travers tout ça, il y a les voyages qui me font découvrir le Québec, le Canada et quelques autres pays à l'extérieur.

Un retour sur la glace

Kathleen Couillard avait fait du patinage artistique alors qu'elle était toute petite, avant de délaisser ce sport à la fin du primaire. « Je ne m'étais pas rendue bien loin, je commençais à faire de petits sauts, je commençais les pirouettes. »

Le goût du patinage lui est revenu lorsque ses filles ont commencé à faire du patinage synchronisé. « À force de les regarder pratiquer, je me suis dit que ça avait l'air cool comme sport. Je suis retournée patiner. J'ai commencé par suivre des cours pour me remettre à niveau. J'en avais perdu, mais ça revient quand même assez vite. »

Elle s'est jointe à l'équipe de patinage synchronisé Adulte III du club Nova en septembre dernier. 

« Je trouve que c'est un sport impressionnant, beau à regarder. Moi, si je fais des choses toute seule, des sauts, ce ne sera jamais un beau spectacle. Mais en équipe, les éléments que nous faisons, c'est impressionnant. »

Mme Couillard a trois enfants, soit deux filles de 13 et 10 ans et un garçon de 7 ans. Elle doit jongler avec sa vie familiale, son travail, un entraînement de patinage synchronisé par semaine et des cours de patinage additionnels afin de s'améliorer. « Ça va quand même bien parce que les pratiques sont en fin de soirée. Ça me permet de faire tout ce que je dois faire à la maison, de m'occuper des enfants, avant d'aller patiner trois fois par semaine. »

Elle aime l'esprit d'équipe du patinage synchronisé, elle aime aussi l'aspect très cardio de ce sport. « Il y a des gens qui aiment le gym. Moi, ça me tenterait moins de partir le soir pour aller au gym. Alors que le patinage synchronisé, ça me donne le goût de me lever de mon divan. »

Ça la motive également à faire davantage d'exercice à l'extérieur de la patinoire. « Je suis plus active depuis que je fais ça. Si je fais un peu de course à pied le samedi, je sais que ça va m'aider, que je serai moins essoufflée après une chorégraphie de 2 min 40. »

Une de ses filles fait encore du patinage synchronisé. « Elle est meilleure que moi, elle me donne des conseils. Ça permet de connecter avec son enfant, ça fait un point en commun. »

Au début de février, la mère et la fille ont toutes deux participé aux championnats régionaux de Sherbrooke. « Au début, mes filles trouvaient ça drôle que je fasse la même chose qu'elles. Mais je pense que maintenant, elles trouvent ça cool. »