Depuis près d'une décennie, l'émission American Ninja Warrior fait un tabac aux États-Unis. Devant des millions de téléspectateurs, des concurrents au sommet de leur forme se mesurent à des obstacles qui demandent une force physique hors du commun, mais aussi de l'agilité, de la flexibilité, de l'équilibre... et beaucoup de témérité! Un mouvement si populaire qu'il a des impacts jusque dans certains gyms du Québec.

Des obstacles plus grands que nature

Le concept est né au Japon dans les années 90 et il a fait des petits dans plusieurs pays. Aux États-Unis seulement, l'émission American Ninja Warrior rassemble plus de 6 millions de téléspectateurs chaque semaine pendant l'été. La même question revient chaque année: un des concurrents arrivera-t-il à franchir tous les obstacles de la grande finale?

Au cours des neuf saisons de la mouture américaine de ce défi sportif, plusieurs participants sont passés de purs inconnus à grandes vedettes. S'il suscitent autant d'admiration, c'est que l'émission porte bien son nom: pour franchir les obstacles d'American Ninja Warrior, les candidats doivent être des athlètes exceptionnels. 

Aux États-Unis, des centres d'entraînement spécifiquement conçus pour les futurs «ninjas warriors» ont vu le jour partout au pays au cours des dernières années. Et voilà qu'avec la diffusion de l'émission au Canada, la tendance traverse la frontière.

«C'est un mouvement qui commence. On voit apparaître des petites initiatives dans des centres sportifs ici et là», constate Marc-André Roy, directeur des opérations au centre d'escalade Clip 'n Climb de Laval. Avec un groupe de passionnés de ce type d'entraînement, il pilote un projet qui pourrait mener à l'ouverture d'un grand complexe «ninja warrior» dans la région de Montréal en 2019.

Dans l'immédiat, plusieurs centres de conditionnement physique et d'escalade proposent des structures aussi complexes que ludiques aux adeptes du «ninja warrior». Déjà conquis par l'entraînement de type CrossFit et par les courses à obstacles extérieures comme les Spartan Race, les sportifs sont nombreux à vouloir relever le défi.

«Dans les courses à obstacles, on voit de plus en plus d'obstacles comme ceux d'American Ninja Warrior. Le niveau de difficulté a augmenté, et les participants veulent se préparer. On ne peut pas se lever un beau matin de juin et essayer de franchir ces épreuves-là!», explique Kevin Antonucci, directeur général des centres sportifs Extrême évolution. L'entreprise a construit plusieurs structures d'entraînement de type «ninja warrior» dans son nouveau complexe de Laval.

Plus qu'un spectacle

Dans les circuits que conçoit l'équipe d'American Ninja Warrior à la télévision, les concurrents franchissent des obstacles qui varient, mais qui font invariablement appel à plusieurs habiletés: la rapidité, l'agilité, l'équilibre, la force et la flexibilité.

Les participants sautent sur des plateformes en mouvement ou encore franchissent un immense bassin d'eau en collant les pieds et les mains à des murs de plexiglas. Ils s'agrippent à des barres pour traverser un circuit tortueux avec la seule force de leurs bras ou grimpent des rampes si abruptes qu'elles sont en fait des murs presque infranchissables...

Tous les intervenants interrogés s'entendent sur ce point: non, on ne devient pas un «ninja warrior» du jour au lendemain. Marc-André Roy estime qu'être un «ninja warrior», c'est développer des aptitudes pour les courses à obstacles, le CrossFit, l'escalade et la gymnastique. «C'est comme un laboratoire de mouvement! lance-t-il. Si tu fais juste des poids, tu ne peux pas dire que tu es bon dans le "ninja warrior". Il faut être pluridisciplinaire.»

Le centre sportif Extrême évolution de Laval offre des formations pour permettre aux mordus de s'attaquer de façon sécuritaire à ces obstacles. «Si on a un mur à franchir, on doit se demander comment le faire de façon adéquate. On ne peut pas dépenser toute notre énergie sur un seul obstacle», illustre Kevin Antonucci.

Même son de cloche du côté d'OCR Academy, un centre sportif d'Ottawa où l'on trouve plusieurs obstacles auxquels se mesurent près d'un millier de mordus de ce type d'entraînement. «Dans nos ateliers de préparation, nos entraîneurs proposent des exercices qui améliorent la force de préhension, par exemple. Plus cette aptitude est grande, plus ces obstacles sont faciles. Nous préparons des exercices qui visent le développement des muscles, et ce n'est qu'après le cours que les participants vont s'amuser dans les structures», explique Joshua Fry, propriétaire de l'établissement.

Ce n'est pas si facile que ça en a l'air, donc? «Non! Ça nous amène à être humbles! s'exclame M. Fry. Certains regardent American Ninja Warrior et se disent que ce n'est pas si mal. Quand ils arrivent devant notre mur de 14 pieds [plus de quatre mètres], ils voient à quel point c'est haut. Ils essaient de le grimper, ils se disent "Oh... ça, c'est difficile". Quand on voit ce que c'est, on a beaucoup plus de respect face aux gars et aux filles qui le réussissent!»



Photo Bernard Brault, La Presse

Raphaël Duchesne, entraîneur au centre sportif Extrême évolution de Laval et adepte de l'entraînement de style «ninja warrior».

Juste pour jouer

L'entraînement pour ces obstacles a beau être complet, c'est surtout le plaisir de relever des défis qui plaît aux adeptes des circuits «ninja warrior». «J'ai l'impression que c'est comme retourner en enfance! s'exclame Raphaël Duchesne, entraîneur au centre sportif Extrême évolution de Laval et adepte de ce type d'entraînement. J'aime ça, grimper partout ! Je trouve ça aussi beaucoup plus plaisant de m'entraîner pour bien réussir ces obstacles. C'est plus que juste soulever des poids dans un gym.»

Joshua Fry souligne lui aussi le plaisir enfantin de réussir un obstacle comme ceux d'American Ninja Warrior. «Quand on était petits et qu'on voyait un arbre, on avait envie de grimper! Aujourd'hui, on dirait que les enfants perdent le goût de jouer, et les adultes aussi! Avec ce genre d'entraînement, on permet aux gens d'être en forme, mais en se donnant la permission de jouer! C'est fondamental!»

Plusieurs entreprises aux États-Unis vendent d'ailleurs des accessoires qui permettent au public de construire des structures inspirées de la populaire émission, dans leur jardin. Des modules de jeu pour grands enfants, quoi! «American Ninja Warrior nous a fait comprendre que les futurs champions, ça peut être le gars ou la fille d'à côté qui n'avait l'air de rien. Les participants qu'on voit à la télé se sont entraînés et ils ont réussi», s'exclame Marc-André Roy, qui précise que cet entraînement est à la portée de tous.

«Le débutant devra d'abord travailler son équilibre et sa mobilité, illustre-t-il. Par la suite, dans un niveau intermédiaire, on va commencer à travailler la force, pour progresser tranquillement vers un niveau plus expert. Il faut segmenter l'activité physique pour amener les participants à progresser. Mais oui, c'est possible.»

«C'est un défi très mental, aussi! affirme pour sa part Raphaël Deschesne. Il arrive toujours un moment où tu veux lâcher. Il faut être capable de franchir cette barrière.»

Dans l'émission américaine, peu de candidats, même très entraînés, se sont d'ailleurs rendus au bout du circuit de la grande finale. En neuf saisons, seulement deux participants ont appuyé sur le bouton à la toute fin du dernier parcours. «C'est clair que ça fait rêver beaucoup de monde. C'est pour ça qu'on veut ouvrir un centre entièrement dédié à [l'entraînement "ninja warrior"], explique Marc-André Roy. Ce qui pourrait être génial, c'est d'amener beaucoup de Canadiens à compétitionner dans une ligue contre les Américains!»

_______________________________________________

Photo Bernard Brault, La Presse

Des ninjas chez les petits

Devant l'engouement du public pour l'entraînement de type «ninja warrior», le centre d'escalade Action directe, à Boisbriand, a ajouté une structure d'obstacles destinée au jeune public. Depuis quelques jours, les apprentis ninjas de 6 ans et plus se mesurent à ce circuit qui «force les muscles»!

Le circuit «Ninja Warrior junior» du centre Action directe compte une dizaine d'obstacles qui amènent les enfants à sauter, à s'accrocher à des plateformes en mouvement, à grimper sur des cordages, à se hisser contre des murs de plexiglas et même à franchir une rampe qui fait office de véritable mur en fin de course. Le centre offre des «cours de petits ninjas», mais il est aussi possible de tenter librement sa chance sur le circuit à certaines heures en semaine.

Photo Ninon Pednault, collaboration spéciale

«On s'est clairement inspirés de ce qui se fait aux États-Unis», explique Jean-François Carrier, responsable du marketing chez Action directe. Chez nos voisins du Sud, les enfants ont depuis longtemps sauté dans l'arène «Ninja Warrior». L'objectif de la direction d'Action directe: construire un circuit accessible aux petits dès 6 ans, mais qui demeure un défi même pour les jeunes adolescents.

Photo Ninon Pednault, collaboration spéciale

Les obstacles font appel à différentes aptitudes physiques. Les enfants doivent faire preuve d'agilité, de rapidité, d'endurance, de force physique et de flexibilité. Et d'un peu de courage, aussi. «Moi, j'aime ça, l'action et les défis!», s'exclame Angelica, fière. Lorsque l'on demande à la fillette de 7 ans quel obstacle représente le plus grand défi, elle pointe les rampes de 10 à 14 pieds (de trois à plus de quatre mètres) que les participants doivent franchir à la fin du parcours. «Ça, c'est mon vrai défi!»

Dans les leçons de «petits ninjas», les enfants développent leur endurance, leur agilité et leur force musculaire en exécutant une série d'exercices ludiques. Les accessoires et la structure sont attrayants, mais la dimension sportive de l'activité est omniprésente. «On aide par exemple les enfants à développer la force du haut du corps sans avoir besoin de soulever des poids», précise Jean-François Carrier.

Photo Ninon Pednault, collaboration spéciale

Les courses à obstacles gagnent en popularité chez les enfants comme chez les adultes. Le centre Action directe souhaite d'ailleurs organiser un championnat «Ninja Warrior junior» en décembre prochain. Ce sera l'occasion pour les jeunes de se mesurer les uns aux autres, mais surtout à eux-mêmes, souligne Jean-François Carrier. «Dans ce genre d'épreuves, tu es fier de toi à la fin. Tu donnes le meilleur de toi. C'est ton défi personnel, mais dans un environnement social», explique-t-il.

Photo Ninon Pednault, collaboration spéciale

Après une heure, les enfants nous assurent avoir tout donné. «Ça force les muscles, et j'aime ça!», lance Emmy, 9 ans, la première du groupe à avoir franchi sans aide la rampe en fin de parcours. «Ça pratique les muscles, mais tu dois aussi avoir de bonnes prises», ajoute Jasmine, 10 ans (notre photo). Près d'elles, Marie-Léa, 10 ans, acquiesce: «Ça prend de l'équilibre aussi! Et il faut s'entraîner beaucoup.»

Photo Ninon Pednault, collaboration spéciale

Des entraîneurs suivent les jeunes tout le long du parcours. La sécurité est leur principale préoccupation. Ils prêtent main-forte aux enfants, au besoin. Les jeunes saisissent toutefois rapidement les subtilités du parcours, sans toutefois réussir à franchir tous les obstacles du premier coup. «C'est le but! explique Jean-François Carrier. Où serait le plaisir, si c'était trop facile? L'objectif est d'amener les jeunes à se dépasser.»

Photo Ninon Pednault, collaboration spéciale