Les conseils malavisés selon lesquels les femmes, lorsqu'elles sont enceintes, doivent manger plus et faire moins d'exercice contribueraient au problème de l'obésité à l'échelle mondiale, selon certains médecins. Pourtant, l'exercice physique a de nombreux bienfaits pour la femme enceinte.

Moins risqué d'être active que d'être sédentaire

Ericka York s'est vite inscrite à des cours prénataux de mise en forme lorsqu'elle a appris qu'elle était enceinte. Elle souhaitait rester en forme, mais ne savait pas si elle devait continuer à faire ses exercices réguliers. La plupart des femmes enceintes ne font pas suffisamment d'activité physique, selon un article publié par trois médecins dans le Journal of the American Medical Association.

Quand elle a su qu'elle attendait son premier enfant, en début d'année, Ericka York était convaincue de vouloir rester active, mais elle n'était pas à l'aise à l'idée de continuer à faire sa routine d'activité physique habituelle.

«Je n'avais pas l'impression de détenir suffisamment de connaissances pour continuer d'exécuter les entraînements que je faisais jusque-là», affirme la résidante de Toronto, qui jouait au soccer une fois par semaine et suivait environ 10 cours de conditionnement physique par mois.

Elle s'est donc inscrite à un cours de yoga prénatal et à un «Belly Bootcamp» (camp militaire pour bedaine) quelques fois par semaine, et elle a découvert que peu de femmes qui suivaient ces cours en étaient à leur première grossesse. En effet, plusieurs femmes qui allaient devenir mères pour la deuxième fois lui ont confié qu'elles étaient trop craintives pour s'inscrire à des cours de conditionnement physique lors de leur première grossesse, mais qu'avec le recul, elles considéraient que cette crainte était injustifiée.

Conseils malavisés

En fait, trois médecins affiliés à des universités espagnoles et américaines affirment que peu de femmes enceintes sont assez actives physiquement. Dans un article d'opinion conjointement rédigé et publié dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) ce printemps, ces trois professionnels de la santé ont écrit que les conseils malavisés voulant que les femmes enceintes mangent davantage et réduisent leur activité physique contribuent au problème de l'obésité à l'échelle mondiale.

Les femmes qui prennent et conservent un poids excessif pendant la grossesse (les lignes directrices canadiennes établissent les gains de poids sains en fonction de l'indice de masse corporelle de chaque femme avant la grossesse) peuvent transmettre ce problème à leur nouveau-né. De leur côté, celles qui restent actives éprouvent moins de malaises et de douleurs, et sont moins susceptibles de devoir subir un accouchement par césarienne ou de développer une perte de contrôle de la vessie, selon les propos de ces médecins dans le JAMA.

Le même article suggère que c'est en partie parce qu'elles ignorent la quantité et le type d'activité physique qu'elles devraient faire que les femmes enceintes n'en font pas autant que nécessaire.

Encouragements assortis d'une liste de précautions

Certes, les lignes directrices canadiennes, conjointement approuvées par la Société des obstétriciens et des gynécologues du Canada et la Société canadienne de physiologie de l'exercice, encouragent les femmes à faire de l'activité physique pendant leur grossesse. Reste que cet encouragement est assorti d'une liste de précautions : surveillez votre fréquence cardiaque, ne soyez pas compétitive, soyez attentive afin de préserver votre équilibre et ne perdez pas le souffle.

Gregory Davies, professeur et directeur de la division de médecine foeto-maternelle de l'Université Queen's, en Ontario, a contribué à la rédaction des lignes directrices canadiennes en matière d'activité physique pendant la grossesse.

«Plus récemment, nous avons développé l'argument selon lequel être sédentaire est beaucoup plus risqué pour la grossesse que d'être active.»

M. Davies précise qu'il y a plusieurs décennies, lorsque le quotidien était beaucoup plus exigeant physiquement qu'il ne l'est aujourd'hui, l'idée que les femmes y aillent doucement pendant leurs grossesses était probablement plus pertinente. «Lorsqu'on se retrouve en 2017, avec une population très sédentaire, ce conseil n'est plus avisé. Il n'en demeure pas moins que notre culture continue de véhiculer cette idée que les femmes enceintes doivent ralentir.»

Recherche au ralenti

La recherche à ce sujet est également au ralenti. De l'avis de M. Davies, les craintes initiales selon lesquelles les femmes enceintes qui s'entraînent pourraient nuire au foetus en croissance ont contribué à la quantité limitée de données actuellement à notre disposition pour faire progresser les lignes directrices en matière d'activité physique en se basant sur des preuves.

Étant donné les niveaux élevés d'obésité au sein de la population, poursuit M. Davies, bien des femmes devraient être plus actives qu'elles le sont actuellement afin de se préparer à une grossesse saine.

«Je crois fermement que presque tous les types d'exercices sont sécuritaires pendant la grossesse, dit-il. Il ne faut simplement pas exagérer. Je ne crois pas que les femmes doivent rechercher des directives plus prescriptives que cela.»

Les lignes directrices canadiennes affirment spécifiquement que les fournisseurs de soins obstétriques devraient dire aux femmes que «les résultats indésirables néonatals ou de grossesse ne sont pas plus élevés chez les femmes qui font de l'exercice».

Jennifer Blake, PDG de la Société des obstétriciens et des gynécologues du Canada, affirme que le message véhiculé à l'échelle nationale en ce qui concerne l'activité physique pendant la grossesse est le même depuis des années: c'est bon pour vous, faites de l'exercice.

«Mais vous voulez aussi vous assurer de ne pas vous placer dans des situations où l'on vous demande de faire des activités ou des exercices qui pourraient être risqués pour vous ou pour votre grossesse.»

Il est donc important que les femmes et les entraîneurs soient bien informés.

Au Canada, une liste de contrôle, soit les lignes directrices du test X-AAP pour la grossesse, est offerte en ligne pour les femmes enceintes, leur médecin et leurs entraîneurs, afin de les aider à déterminer les types d'exercices sécuritaires pour chaque mère en devenir. Cette liste recommande des modifications aux exercices et met en évidence les signes annonciateurs de problèmes physiques que les femmes peuvent surveiller, notamment les étourdissements, les douleurs à la poitrine et les saignements vaginaux.

En cas de doute ou de condition particulière, faites le test X-AAP et consultez votre médecin.

Quelle activité choisir?

Alors que les cours prénataux sont l'occasion parfaite de rencontrer d'autres femmes enceintes, plusieurs autres possibilités sont à la disposition des femmes, peu importe leur niveau de forme physique et leur budget, pour se garder en forme pendant la grossesse.

Marche

Michelle Mottola, directrice de l'Exercise and Pregnancy Lab de la Western University, suggère de simples ajustements au mode de vie : sortez du métro quelques stations avant votre destination, faites un détour pour vous rendre à pied à l'épicerie et marchez-y plus longtemps dans les allées et, si vous prenez la voiture, évitez les espaces de stationnement pour mamans/bébés placés juste à côté de l'entrée des bâtiments.

Elle suggère même aux femmes enceintes qui disposent d'un podomètre de se donner comme objectif de faire 10 000 pas par jour.

Mme Mottola met cependant en garde celles qui souhaitent se rendre au travail en vélo, dans les rues achalandées de grandes villes, tout particulièrement au cours des dernières semaines de la grossesse, puisque l'équilibre y est alors plus problématique.

Cours de conditionnement physique

Il peut être difficile de trouver le temps, dans un horaire déjà chargé, pour participer à des cours de conditionnement physique prénatal, d'autant plus que ceux-ci ne sont pas encore légion. Par contre, rien ne vous empêche de vous inscrire à des cours de conditionnement physique ordinaires.

Peu importe le cours que vous choisissez, avant de participer, informez l'instructeur ou l'instructrice de votre grossesse. Mme Mottola suggère de discuter des lignes directrices du test X-AAP avec cette personne et de modifier les activités ou les exercices en fonction de celles-ci.

Les lignes directrices canadiennes affirment que les femmes enceintes doivent se méfier des activités ou des exercices pouvant leur faire perdre l'équilibre ou qui sont de nature compétitive (hockey sur glace, gymnastique, équitation, plongée et cyclisme sont considérés comme risqués).

La natation, le ski de fond, l'aérobie aquatique ou le vélo stationnaire sont considérés comme beaucoup plus sécuritaires.

Yoga et Pilates

Il s'agit des deux des types de cours prénataux les plus largement accessibles et, par surcroît, parmi les plus controversés.

Michael Geary, chef du service d'obstétrique de l'hôpital St-Michael, affirme qu'à titre d'obstétricien, il observe régulièrement, dans le cadre de sa pratique, les avantages - physiques et psychologiques - du yoga et du Pilates sur les femmes qu'il traite. S'il avait une baguette magique, il ferait d'ailleurs apparaître des fonds gouvernementaux pour payer ce type de cours à toutes les femmes enceintes.

En revanche, plusieurs médecins interrogés par le Toronto Star affirment que les femmes ne doivent pas pratiquer le yoga chaud ou le Pilates chaud pendant la grossesse, afin d'éviter de s'exposer à une chaleur excessive.

L'article d'opinion publié dans le JAMA souligne que, même si le yoga et le Pilates sont souvent recommandés aux femmes enceintes par des médecins, les essais cliniques n'ont pas encore démontré leur effet bénéfique pour les futures mères.

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Michelle Mottola, directrice de l'Exercise and Pregnancy Lab de la Western University, suggère aux femmes enceintes qui disposent d'un podomètre de se donner comme objectif de faire 10 000 pas par jour.