Elles forment des duos cavalière-cheval qui ne font qu'un sur les parcours. Ce sont elles qui prédominent dans les centres équestres et dans la plupart des circuits de compétition. À Saint-Tite comme à Bromont, l'équitation n'a pas fini de séduire les filles.

Tous les samedis, Marie Hélène Poitras franchit les 40 km séparant sa fille de 8 ans de l'écurie bleu et blanc où tout a commencé pour elle-même, au même âge. Sa passion pour les chevaux, elle la vit désormais à travers les yeux de sa petite qui, comme des milliers d'autres gamines, pratique l'équitation.

Au fil des années, Marie Hélène Poitras a touché à tout: la compétition (concours complet), l'entraînement de jeunes cavaliers et même le métier de cochère. «Aujourd'hui, mon thrill, c'est d'accompagner ma fille. En l'espace de deux mois, elle est devenue aussi obsédée que moi par le monde des chevaux», témoigne l'auteure des romans sur l'univers équin, Soudain le Minotaure et Griffintown.

Dans les poney-clubs, écoles d'équitation et autres centres équestres de la province, les femmes et les filles dominent. À Cheval Québec, organisme fédéré de régie de l'activité équestre, 75 % des quelque 15 000 membres sont de sexe féminin.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer un tel engouement, observe Lise Roy, première femme à avoir obtenu la certification haute performance en reining et en performance western.

«Le cheval est très réceptif à l'humain et offre beaucoup d'interaction. Les filles aiment prendre soin de l'autre, donner beaucoup d'amour, et le cheval est l'animal parfait pour ça», explique Marie-Claire Savard.

«Les leçons d'équitation pour enfants se basent justement sur les soins à apporter au cheval, souligne Mme Savard, qui est propriétaire du Centre équestre des Laurentides. Les fillettes les brossent, les catinent. Pour elles, c'est comme s'occuper d'une pouliche géante.»

Le besoin de materner ne suffit pas à expliquer le phénomène, nuance toutefois Marie Hélène Poitras. «Je pense que les filles n'ont pas souvent l'occasion d'exercer leur leadership dans leur quotidien, et l'équitation leur fait vivre un sentiment de puissance extraordinaire. Le cheval a l'intelligence de se chercher très tôt un bon maître, un leader respectueux. Et les filles sont souvent prêtes à tout donner, elles en rêvent, de leur cheval, nuit et jour!»

Alors qu'elles dominent dans les principales disciplines équestres (dressage, saut d'obstacles, concours complet, reining et gymkhana), les femmes prennent aussi part au développement même de l'industrie hippique du Québec. Selon les données de Cheval Québec, elles représentent 93 % de tous les entraîneurs certifiés et 76 % des propriétaires de centres équestres de la province. Si elles règnent dans l'équitation de loisir, ainsi qu'aux niveaux régional et national du sport, elles sont plus rares que les hommes dans les circuits internationaux, précise Lise Roy, aussi entraîneuse niveau 1 en équitation classique.

Plusieurs facteurs

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation, dont l'âge des athlètes (en moyenne entre 25 et 40 ans) qui correspond à la période où les femmes se consacrent généralement à la formation de leur famille. «Les femmes sont aussi fortes que les hommes en sports équestres, mais on est encore porté à donner les meilleurs chevaux aux hommes et à investir davantage dans les athlètes masculins», constate Mme Roy.

Peu importe le niveau, c'est cette relation de confiance et de complicité, cette communication sensorielle et intuitive entre un cheval et son cavalier qui rendent le sport si singulier aux yeux de plusieurs. «Le cheval, c'est mon coéquipier à part entière, rappelle Lise Roy. C'est ce que j'apprécie le plus dans le sport: ce n'est pas uniquement mon talent qui est mis à contribution, mais aussi celui de mon cheval et comment je suis en mesure d'aller chercher son plein potentiel.»

Monter à cheval fait converger des émotions et des sensations que les cavalières n'éprouvent pas ailleurs. «Il y a de ces moments de grâce en équitation où le cavalier a l'impression de ne faire qu'un avec sa monture, comme un sagittaire ou un centaure, illustre Marie Hélène Poitras, qui a fait l'objet du court métrage documentaire Femme Centaure. Je me souviens d'un cheval de course avec lequel j'avais un lien très fort. Avec lui, je ne faisais que penser et commencer à esquisser la commande d'un départ au galop que déjà, il s'exécutait tant il voulait me faire plaisir. Les chevaux sont généreux. Ils donnent tout ce qu'ils ont.»

Persévérance et émotions fortes

Autre facteur attractif pour plusieurs femmes: l'équitation est l'un des rares sports (et la seule discipline olympique) où l'homme et la femme concourent à égalité. «Le sport exige de la persévérance et une dose de témérité, assure Marie-Gabrielle Bronsard, cavalière en concours complet. Ça reste essentiel en compétition, car ça se déroule rarement exactement comme on le souhaite puisque notre coéquipier est un animal avec des instincts et une compréhension des choses qui lui sont propres.»

«Les jeunes cavalières n'ont pas toujours conscience du danger, reconnaît Marie Hélène Poitras, mais les chutes font aussi partie de l'adéquation.»

Toutes acceptent néanmoins cette part de risque. «Les filles font d'excellentes cavalières, car elles sont souvent persévérantes, patientes et perfectionnistes, des qualités primordiales dans le sport», atteste Lise Roy.

Portraits de cinq cavalières

Avec fougue et panache, elles se distinguent dans leur discipline respective aux palmarès régionaux, nationaux ou nord-américains. Cinq cavalières nous présentent leur sport et leurs chevaux de rêve.

Équitation classique

Camille Carier Bergeron, cavalière en dressage, 16 ans

Ma discipline: «Le dressage, c'est un peu comme le patinage artistique. Ça consiste en une série de mouvements, de figures et d'allures obligatoires qui doivent se faire avec la plus grande harmonie et précision possible. C'est selon moi la discipline équestre la plus difficile techniquement. Ça exige une excellente connexion avec mon cheval pour lui communiquer ce que je veux uniquement en utilisant le corps.»

Mes débuts: «À 8 ans, ma mère m'a inscrite à un camp d'équitation pour une semaine et j'ai fini par y passer l'été. À 9 ans, j'ai eu un premier cheval trop grand pour moi. On s'est donc résignés à acheter un poney et c'est là que j'ai commencé à faire bonne figure en compétition.»

Mes chevaux: «J'en prends soin, les amuse, les sors prendre l'air tous les jours. Delfiano et Lowelas sont affectueux, énergiques et motivés. Ils sont un peu le reflet de ma personnalité.»

Billie Derouet, cavalière en saut d'obstacles, 24 ans

Ma discipline: «Le but de cette discipline est de sauter le plus haut possible dans le meilleur temps, sans faire tomber les obstacles qui doivent être franchis dans un ordre précis.»

Mes chevaux: «J'ai la chance de les avoir avec moi, à la maison. C'est moi qui m'en occupe, matin, midi et soir. Je les borde avant le dodo. C'est comme avoir des enfants de 2 ans qui ne grandissent jamais. Je les connais par coeur.»

Mon objectif: «J'aimerais me rendre aux Jeux olympiques, mais c'est difficile de les faire coïncider avec le sommet de performance des chevaux. Avec Bonaparte et Gently, je devrais être bien accompagnée pour encore 10 bonnes années si tout se passe bien.»



Marie-Gabrielle Bronsard, cavalière en concours complet, 27 ans

Ma discipline: «Le concours complet est une sorte de triathlon équestre qui comprend le dressage, le cross-country et le saut d'obstacles. Le cross-country est la partie distinctive: le parcours est composé d'obstacles naturels fixes, comme une rivière, un fossé ou un tronc d'arbre que le cheval doit franchir au grand galop.»

Mes débuts: «J'avais 11 ans lorsque j'ai fait une randonnée d'une demi-journée avec un cheval qui m'a jetée à terre à trois reprises. À la grande surprise de ma mère, j'ai voulu continuer.»

Mon cheval: «Ma relation avec Canso de la Mancha se définit par une profonde complicité et une confiance mutuelle sans laquelle on ne pourrait fonctionner, au risque de se blesser potentiellement gravement. Pour parvenir à ce niveau de compétition, le cheval doit faire preuve d'une immense générosité puisque ce que je lui demande est contre-intuitif pour lui.»

Équitation western

Caroline Bolduc, cavalière en course de barils, 41 ans

Ma discipline: «La course de barils est l'épreuve la plus populaire et la plus prestigieuse du gymkhana. Le but est de contourner trois barils dans un parcours en forme de trèfle, le plus rapidement possible, sans faire tomber de barils. L'épreuve dure entre 14 et 17 secondes. Le gagnant l'emporte sur des centièmes de seconde.»

Mes débuts: «J'ai eu mon premier poney à 5 ans et j'ai commencé la compétition à 9 ans. À 11 ans, je gagnais mon premier championnat provincial. La course de barils s'est imposée naturellement à moi après avoir vu mon cousin en compétition.»

Mes chevaux: «Ils sont mes fidèles coéquipiers. Je fais beaucoup de renforcement positif pour les pousser à donner le meilleur d'eux-mêmes. Perks Racer Master a un regard profond. On dirait qu'il comprend lorsque je lui parle.»

Gabrielle Laverdière, cavalière de reining, 17 ans

Ma discipline: «Le reining se compare au dressage classique, mais en équitation western. On doit exécuter des figures imposées, comme les vrilles, les changements de pieds et le spectaculaire arrêt en glissade.»

Mes débuts: «Tout a commencé avec mon grand-père, qui a transmis son savoir-faire et sa passion à ma mère, Hélène Laverdière, et à sa soeur Sophie, qui me les ont inculqués à leur tour. J'ai commencé dans la classe jambes courtes à 8 ans. Ma chance a été d'être acceptée par la suite à l'école secondaire Cardinal-Roy en sport-études, ce qui m'a permis de consacrer tous mes après-midis à mon sport.»

Mon cheval: «Ma jument Flashy Quintori est une quarter horse de 13 ans et c'est un peu comme ma meilleure amie. Elle a un tempérament exceptionnel. On se fait confiance et on serait prêtes à tout faire l'une pour l'autre.»

Pour faire ses premiers pas à cheval

Il n'est jamais trop tard pour se mettre à l'équitation. Marie-Claire Savard, entraîneuse haute performance impliquée dans le programme d'apprentissage à Cheval Québec, répond à nos questions.

Par où commencer? Une première leçon dans un établissement équestre certifié Équi-Qualité permet de se familiariser avec le cheval et avec ses principales manoeuvres. Unique au Canada, ce programme de certification dirige les familles vers des centres sécuritaires (dont les poney clubs et les camps), où les instructeurs sont certifiés, où les chevaux sont en bonne santé et adaptés à tous les types de cavaliers.

Équitation classique ou western? Le mieux, c'est d'essayer les deux. Certaines personnes accrochent à l'équitation western, alors que d'autres ne jurent que par l'équitation classique. Dans chaque catégorie, il existe un nombre impressionnant de disciplines : du dressage au saut d'obstacles, en passant par la voltige et le reining. Il faut se laisser guider par ses goûts et ses habiletés.

Être ou ne pas être propriétaire d'un cheval? L'achat d'un cheval est déconseillé aux novices. Avant de s'engager, il vaut mieux patienter des mois, voire des années, et demander conseil à un entraîneur pour évaluer le type de cheval qu'il nous faut et établir un budget. Dans le système actuel, il est très facile de faire de l'équitation sans posséder un cheval, que ce soit auprès des écoles ou en ayant recours à un service de location.

Accessible, l'équitation? Un cours d'équitation coûte en moyenne 40 $ la session et l'équipement se trouve à prix très abordable. Ce n'est qu'au niveau de compétition nationale et internationale que le sport devient vraiment dispendieux et l'achat d'un cheval, indispensable.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Camille Carier Bergeron