L'importance de l'hydratation chez les sportifs est bien connue. Le phénomène de la surhydratation, lui, est beaucoup moins documenté. Pourtant, de nombreux coureurs et sportifs amateurs boiraient une trop grande quantité d'eau, ce qui peut amener des conséquences graves, voire fatales. Quelle quantité d'eau doit-on boire et quand doit-on la boire?

Contrairement à la croyance populaire, les gens qui souffrent de complications liées à l'hydratation pendant les marathons ne souffrent pas tous de déshydratation. Au contraire, beaucoup sont plutôt victimes de surhydratation. Ce phénomène, appelé «hyponatrémie», est aussi fréquent que méconnu et peut entraîner de graves conséquences.

Une étude publiée en 2005 dans le New England Journal of Medicine révèle qu'au marathon de Boston en 2002, 13 % des 488 coureurs ont terminé la course en souffrant d'hyponatrémie. Lors du marathon de Londres en 2003, 11 coureurs étaient affligés du même sort. Si ce genre de statistiques est plutôt fréquent dans un cadre de courses organisées, il l'est tout autant, sinon plus, chez les coureurs amateurs et inexpérimentés.

L'hyponatrémie s'explique par la diminution du sodium dans le sang. Lorsque le coureur sue, il perd une grande quantité de liquide, il est donc primordial de boire de l'eau afin de combler ce déficit et d'éviter la déshydratation.

Mais lorsque le sportif boit une plus grande quantité d'eau que celle qu'il a perdue par la transpiration, l'eau ingérée dilue le taux de sodium présent dans le sang. Quand ce taux est trop bas, l'état d'hyponatrémie s'installe et les effets indésirables se font ressentir. Ces effets peuvent varier, mais parmi les plus fréquents, on retrouve les ballonnements, la désorientation, la confusion, les nausées, les vomissements, la fatigue excessive et la respiration sifflante. Dans de plus rares cas, des convulsions, un coma ou la mort peuvent survenir.

Près de la moitié des coureurs boiraient trop d'eau, mais seulement quelques-uns seraient victimes d'hyponatrémie. Et de ce nombre de victimes, plusieurs seraient asymptomatiques. Selon Martin Lussier et Pierre-Mary Toussaint, auteurs du livre Mythes et réalités sur l'entraînement physique, dans plus de 60 % des cas, les victimes ne présentent aucun symptôme à court terme. Plusieurs coureurs peuvent même terminer une course sans problème, mais les symptômes se déclarent quelques heures plus tard.

Ils ajoutent que la durée de l'épreuve est un facteur important dans les risques d'hyponatrémie. «Lors d'épreuves telles que les marathons, les triathlons, les ultra-marathons et les Ironman, les sportifs ont tendance à boire une très grande quantité d'eau par crainte, parfois justifiée, de déshydratation», expliquent-ils dans leur livre.

Des facteurs de risque

Aussi, certaines personnes sont plus enclines que d'autres à se retrouver en hyponatrémie, notamment les femmes, qui ont tendance à moins transpirer que les hommes. Leur rétention d'eau peut donc créer ce déséquilibre avec le sodium plus rapidement. Ces mêmes auteurs expliquent par ailleurs que «le comportement exemplaire des femmes face aux recommandations d'hydratation peut les mener à l'hyponatrémie. Ces recommandations ne sont pas toujours personnalisées, et les quantités de liquide recommandées peuvent être trop élevées pour une femme de petite stature».

Finalement, les sportifs inexpérimentés font aussi partie des gens à risque d'hyponatrémie puisqu'ils se laissent souvent influencer par les nombreux points de ravitaillement mis à leur disposition lors des courses populaires, ce qui peut facilement les amener à boire plus que nécessaire.

Pour ajouter à la complexité de l'hydratation dans le sport, les scientifiques ne s'entendent pas tous sur le sujet. Il a longtemps été véhiculé que le sportif devrait s'hydrater suffisamment pour ne jamais ressentir la soif durant l'activité. De plus récentes études avancent pourtant tout le contraire. Le professeur Éric Goulet, de l'Université de Sherbrooke, croit même à l'optimisation des performances par l'hydratation suivant uniquement les signaux de la soif. «Boire seulement lorsque l'on ressent la soif serait idéal, d'une part, afin d'optimiser la performance et, d'autre part, de protéger la santé de l'athlète.»

Nonobstant ces divergences d'opinions, certains concepts demeurent plus consensuels. Notamment le fait que la déshydratation peut être évitée par une planification jusqu'à 24 heures avant l'activité physique, incluant une ingestion de 300 à 600 ml d'eau deux heures avant l'activité.

En contrepartie, pour éviter l'hyponatrémie, le conseil général est de ne jamais boire plus d'un litre d'eau par heure. Guillaume Couture, nutritionniste chez EquipeNutrition.ca, précise qu'«au-delà de cette quantité, le corps a du mal à l'absorber correctement».

Les boissons sportives, une nécessité?

Selon l'Association canadienne des entraîneurs, les boissons sportives ne devraient être consommées que pour les efforts en continu, d'une durée minimum de 60 minutes. Pour les séances inférieures à 60 minutes, l'eau pure et les repas habituels sont amplement suffisants pour la récupération. C'est lors d'efforts très intenses, d'une durée appréciable, que les boissons sportives peuvent intervenir.

Le nutritionniste Guillaume Couture souligne toutefois que les boissons sportives commerciales ont souvent trop de sucre par rapport aux besoins réels des gens.

«Les boissons sportives sont là pour combler un certain besoin en énergie. Toutefois, leur taux de sucre dépasse parfois celui qui a vraiment été dépensé durant l'effort.» Selon lui, les boissons sportives devraient contenir entre 4 et 6 % de leur volume en sucre ajouté. Autrement dit, de 4 à 6 grammes de sucre par 100 ml. Il admet sa préférence pour les boissons concoctées à la maison qui comportent un ratio de nutriments plus facilement contrôlable. Pour une boisson d'un litre, la recette idéale est de 750 ml d'eau pour 250 ml de jus (orange, raisin ou ananas) et une pincée de sel (3 ml).

Des trucs concrets pour éviter l'hyponatrémie

Si vous êtes une personne à risque, ou si vous vous sentez inquiet face au phénomène de l'hyponatrémie, voici quelques trucs concrets qui peuvent vous aider à évaluer votre situation.

Se peser avant et après l'activité physique

Le pèse-personne est un outil efficace pour mesurer si la consommation de liquide pendant l'exercice prolongé est adéquate. Le sportif peut se peser avant l'activité physique, puis après celle-ci (sans avoir uriné). Si, au bout de la séance, le poids corporel est plus élevé qu'au départ, c'est anormal. La quantité d'eau ingérée pendant l'exercice est alors trop grande.

Calculer la quantité d'eau à consommer

Il est toujours plus précis de faire un calcul exact de la quantité d'eau à consommer pour éviter l'hyponatrémie, plutôt que de se fier aux recommandations générales, qui ne sont pas personnalisées.

Pour calculer ses besoins en eau:

- Prendre son poids avant l'activité physique

- Prendre son poids après l'activité physique (sans avoir bu ni uriné)

- Pour chaque kilo perdu, on doit boire 1000 ml d'eau.

(Si vous avez bu durant l'exercice, le prendre en considération dans le calcul)

Regarder la couleur de son urine

La couleur de l'urine est un bon indicateur de l'état d'hydratation du corps humain. Une urine très foncée est souvent signe de déshydratation. C'est aussi vrai lorsqu'on fait de l'activité physique. Le sportif peut donc vérifier la couleur de son urine à son retour de l'entraînement. Si celle-ci est très foncée, sa consommation d'eau pendant l'exercice est probablement insuffisante.

Ajouter du sodium

L'alimentation joue un rôle primordial dans l'apport en électrolytes pour le corps. Pour éviter un taux de sodium trop faible dans le sang, les gens qui transpirent abondamment et ceux qui sont plus sensibles à l'hyponatrémie peuvent privilégier les aliments à forte teneur en sodium avant l'exercice. Les soupes, les produits laitiers, les bretzels, les jus de légumes et de tomates, la sauce soja, les marinades et d'autres condiments sont de bons exemples.

Écouter son corps

Si vous en êtes à vos premières expériences en course populaire, ne vous laissez pas influencer par tous les points de ravitaillement mis à votre disposition. Écoutez plutôt votre corps. Si vous ne ressentez pas la soif, passez votre tour, vous boirez au point suivant!

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Sources: Association canadienne des entraîneurs, Guillaume Couture, Mythes et réalités sur l'entraînement physique

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