Les femmes courent d'abord pour la forme et pour une bonne santé. Sans le crier trop fort, elles courent aussi pour perdre du poids ou, à tout le moins, le contrôler. Elles courent entre amies ou seules pour oublier, le temps de quelques foulées, petits et grands soucis. Elles courent aussi pour se dépasser.

Elles courent pour elles-mêmes, mais souvent pour les autres, dans le cadre de courses caritatives. Une centaine de femmes participeront, par exemple, au Défi des Sem'Elles. Organisée par Esprit de corps, cette course à relais de Toronto à Beloeil se déroulera en octobre 2013. On compte amasser 100 000$, notamment pour la fondation Les petits trésors. Un autre exemple? Les 16 participantes du Défi des Demois'Ailes (toujours avec Esprit de corps) feront plutôt une course à relais entre Trois-Rivières et Toronto pour amasser des fonds pour le FAR, maison d'hébergement pour femmes en difficulté.

Elles courent aussi entre elles, à l'occasion d'événements qui leur sont réservés. Comme le Défi des dames de coeur, la course À toi Lola ou la Trotteuse (anciennement la Féminine). D'autres initiatives verront le jour sous peu, promet-on. «Durant la course, il y a une belle couleur féminine, un côté festif, indique Nadine Maire, cofondatrice de la Trotteuse. C'est tellement beau de voir toutes ces femmes qui courent côte à côte. Les coureuses s'encouragent, s'inspirent les unes les autres. Ce n'est pas une mentalité qu'on retrouve dans les courses mixtes. Il y a plus de camaraderie entre nous, même s'il y a ce désir de se dépasser.»

Qu'est-ce qui explique cet engouement féminin pour la course à pied?

Sensibilisation

«D'abord, il y a eu énormément de promotion sur les saines habitudes de vie et ça a touché la cible», explique Suzanne Laberge, responsable du Laboratoire de sociologie du sport et de promotion de l'activité physique et professeure titulaire et directrice adjointe du département de kinésiologie de l'Université de Montréal. «Les femmes sont conscientes des bienfaits de l'activité physique sur leur santé et elles se prennent en main.» La médecine et les mentalités ont évolué. «Dans les années 70, on prétendait que courir était mauvais pour la santé féminine, pour les organes reproducteurs.» Elle se réjouit de voir aujourd'hui de plus en plus de femmes actives, des modèles inspirants. «Cela crée un effet d'entraînement.»

Accessibilité

«À l'époque [dans les années 70 et 80, NDLR], on courait uniquement pour la performance, alors qu'aujourd'hui, on court pour le plaisir. Les femmes s'y retrouvent davantage. La course est devenue plus inclusive, accessible», indique Jean-Yves Cloutier, entraîneur et président fondateur du Club des vainqueurs, à Montréal.

Facilité

Malgré toutes les bonnes intentions, le train-train quotidien a tôt fait de nous rattraper et la possibilité de bouger fond comme neige au soleil. C'est particulièrement vrai pour les sports organisés. À partir du moment où les femmes travaillent et ont des enfants, de 30 à 45 ans, la pratique sportive devient plus difficile et elles ont tendance à devenir moins actives, selon Suzanne Laberge. «Le manque de temps et la difficulté d'être disponible à un moment fixe sont les principaux obstacles.» La course s'avère donc un choix tout indiqué. «Courir ne demande pas d'habiletés techniques particulières, ni de déplacements à l'autre bout de la ville, ni d'équipement sophistiqué. On n'a qu'à sortir de la maison et le tour est joué.»

Rendement

Les résultats sont rapides et concrets. «On tire des bienfaits physiques et psychologiques en à peine 20 minutes, explique Marianne Pelchat, rédactrice du magazine Kmag et coureuse élite. C'est un bon ratio. C'est idéal si on veut se mettre en forme ou perdre du poids. Déjà, après quelques semaines de pratique, on voit une amélioration dans la foulée, la respiration, l'aisance.» Si une femme de 60 kg court 10 km en une heure, elle brûle environ 600 calories, l'équivalent d'un gros hamburger garni. C'est trois fois plus, pour la même durée, que le conditionnement physique en salle et que le ski alpin.

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Un rappel
historique

Au Québec, le sport a longtemps été l'affaire des hommes. «La mise en marché de la bicyclette à un prix abordable a donné aux sports féminins un essor qui atteint son apogée dans les années 20. La société canadienne assiste alors à une effervescence des pratiques sportives féminines qui conteste l'hégémonie masculine dans ce domaine», écrit l'historienne Élise Detellier, dans sa thèse de doctorat «They Always Remain Girls»: La reproduction des rapports de genre dans les sports féminins au Québec, 1919-1961.

Mais la pratique du sport suscite des peurs. «L'Église craint que la pratique du sport, encouragée pour viriliser l'identité masculine, donne le même résultat sur le corps et les comportements féminins, brouillant ainsi les différences sexuelles.» Les femmes sont tout de même incitées à pratiquer des sports par les médecins et les clercs. Sous restrictions. Les coureuses sont donc peu nombreuses à l'époque. Et elles sont souvent cantonnées dans les courtes distances comme le 100 m.

Au tournant des années 30, on commence à voir des courses de fond féminines. Des épreuves de 5 milles, de 10 milles. Plusieurs participantes sont des athlètes professionnelles qui courent sous la houlette d'agents et promoteurs. Dans les années 70, les femmes font encore figure d'exception dans les courses populaires, qui leur sont souvent interdites.

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Le livre La course à pied au féminin publié aux éditions La Presse par notre journaliste Sophie Allard, est en librairie depuis quelques semaines.

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