Une scène, un poteau et des filles légèrement vêtues. Dans l'ambiance feutrée du Savoy, au Métropolis, infirmières, mères de famille et étudiantes ont exhibé leurs habiletés acrobatiques, à l'occasion du premier championnat québécois de pole fitness, jeudi soir dernier. Les converties jurent que cette discipline est avant tout la plus exigeante des mises en forme. En Colombie-Britannique, où ce «sport» est né il y a une dizaine d'années, des fillettes peuvent désormais s'y initier, ce qui a donné de l'urticaire à ceux qui s'inquiètent de l'hypersexualisation des petites filles.» Lascif ou sportif, le pole fitness?

Une quinzaine d'amazones en tops et culottes noires exécutent une danse d'inspiration tribale, autour de l'unique «pole danseur» de la bande. À tour de rôle, elles scrutent, enfourchent, escaladent, étreignent les deux poteaux qui trônent sur la petite scène du Savoy. L'une d'entre elles, de toute évidence, n'a pas l'âge légal pour entrer au Métropolis.

«Applaudissez Rose-Marie, 10 ans! Elle s'en va aux Olympiques, celle-là», commente la blonde animatrice de la soirée, profitant de l'occasion pour rappeler les velléités olympiques de ce sport qui rallie de plus en plus d'adeptes en Amérique du Nord.

Valérie Blain était enseignante quand elle a fondé le studio 409 dans Saint-Henri, au printemps 2008. «Six mois plus tard, j'ai quitté ma classe. J'offre maintenant des cours tous les jours, à des gens de tous les âges, grandeurs et grosseurs. J'ai des étudiantes, des mères de famille, des médecins et même une députée», confie cette petite rouquine rencontrée en coulisses, quelques minutes avant le début de la compétition.

Associe-t-on encore le pole fitness avec les bars de danseuses nues? «Bien sûr. Mais des événements comme celui d'aujourd'hui, par exemple, contribuent à démystifier notre discipline.»

Déesses du poteau

Le public du Savoy, ce soir-là, est surtout féminin et composé d'amis, chums, parents et sympathiques supporters des compétitrices amateurs, semi-pro ou professionnelles. Les participantes à la compétition, qui viennent des quatre coins de la province, ont été choisies lors d'auditions. Judith Gagné, championne de la soirée dans la catégorie professionnelle, se rendra à Vancouver en octobre prochain, pour le Championnat canadien de pole fitness.

De toute évidence, le pole fitness n'attire pas (encore) la clientèle de La calèche du sexe, à quelques pas du Métropolis. Avec leurs regards de braise, leurs corps tonifiés, leurs tatouages et tenues minimalistes, les performeuses de la soirée effectuent des numéros inspirés du cirque, donnant à voir beaucoup de peau. Plus pudiques et athlétiques que les danseuses exotiques, les performeuses à poteaux n'ont toutefois pas grand-chose en commun avec des joueuses de curling...

Inscrite dans la catégorie «semi-pro», Cristelle, une fille de 27 ans tout en muscles, s'est composé un costume de princesse pour son numéro de la soirée. Adepte du pole fitness depuis un an et demi, cette résidante de Bois-des-Filion enseigne désormais cette discipline dans un studio de Saint-Eustache. «J'ai fait pas mal de musculation, de boxe, de football. J'étais à la recherche de quelque chose de plus féminin...»

«Quand j'ai commencé il y a trois ans, j'étais découragée pas la difficulté de ce sport. Maintenant, j'ai une pole à la maison», raconte Lucida, jeune femme noire de 28 ans, inscrite dans la division «amateur» du Championnat.

Autour d'elles se réchauffent des dizaines de jeunes femmes tatouées, «piercées», couvertes de brillants, parfaitement épilées, à la peau lisse et ferme. La moyenne d'âge des concurrentes? «Entre 22 et 40 ans», estime Valérie Blain, «mais aucune danseuse nue», s'empresse-t-elle de préciser.

Perplexe, on songe à l'auteur Michel Dorais qui dans son essai, La sexualité spectacle, évoque comment «à mesure que la sexualité spectacle gagne du terrain, on peut en fait se demander si les frontières entre le permis et l'interdit, le banal et le bizarre ne sont pas constamment repoussées afin de maintenir l'intérêt des consommateurs».

Or, toutes les concurrentes affirment pratiquer le pole fitness pour être en forme et en santé. Dans un avenir rapproché, le pole fitness fera-t-il son entrée dans les écoles du Québec? Tout est possible...